mercredi 14 octobre 2020
Les voix françaises de Roger Moore
Par François Justamand, mercredi 14 octobre 2020 à 17:17 :: Le saviez-vous ?

S'il est une voix française indissociable d'une star étrangère, c'est bien celle de Claude Bertrand sur Roger Moore. Il a doublé l'acteur britannique, à quelques exceptions près, durant toute sa carrière. Même si le timbre naturellement grave du comédien français était plus proche de celui de Bud Spencer, qu'il a souvent doublé aussi, son talent lui permettait d'alléger sa voix et de lui donner un ton plus flegmatique sur Moore. Hélas, la maladie a eu raison de ce gaillard de 1,90 mètre en 1986. Il a laissé Roger Moore orphelin, en quelque sorte, puisque depuis cette date, Moore n'a pas eu de voix française habituelle.

Claude Bertrand est né le 24 mars 1919 à Gréasque, dans les Bouches-du-Rhône. Après le Baccalauréat série Lettres et un diplôme supérieur en Physique et Chimie, passionné par le théâtre, il décide de devenir comédien. Il entre alors au Conservatoire national d’art dramatique de Paris et débute, en 1946, en faisant de la figuration au Vieux Colombier. C'est aussi à cette époque qu'il commence à faire du doublage. Il prête sa voix à John Wayne dans Sacramento (1942), L'Ange et le mauvais garçon (1947), à Orson Welles dans La Dame de Shanghaï (1948), Joseph Cotten dans Le Troisième homme (1949)… En 1949, il se marie à Paris. De cette union va naître, en janvier 1955, son fils René. Hélas, en 1968, son épouse décède dans un accident. Quelques années plus tard, Claude Bertrand se remarie et partage son temps entre sa vie de famille et son métier qui le passionne toujours autant.
A propos de son père, René Bertrand nous dit : « Mon père était un être secret qui parlait peu de lui. C’était par contre un boute-en-train en société où il était apprécié pour ses talents de conteur. Je crois qu’il fut excellent dans le doublage. Quelques comédiens célèbres se prêtèrent à sa voix : Roger Moore, Charles Bronson (notamment dans Un Justicier dans la ville en 1974) plus que d’autres. Il avait, je crois, renoncé au théâtre pour gagner mieux sa vie. Le doublage, en fin de compte, le lui aura à peine permis. Quelques souvenirs me reviennent des répétitions musicales, à la maison, de la partition de O’Malley, le héros félin du long métrage de Disney Les Aristochats (1970) à l’occasion desquelles il a alors définitivement arrêté de fumer car c’était un gros fumeur de Gitanes. »
Toujours à propos de doublage, notons que Bertrand a doublé de nombreux autres acteurs : Ray Milland dans Le Crime était presque parfait (1954), Marlon Brando dans Sayonara (1957), Brad Dexter dans Les Sept mercenaires (1960), Eli Wallach dans Le Bon, la Brute et le Truand (1966), Peter Ustinov dans Le Fantôme de Barbe-noire (1968), le personnage du Capitaine Haddock dans Tintin et le temple du soleil (1969) et dans Tintin et le lac aux requins (1972), William Conrad dans la série Cannon (à partir de 1973), le personnage de Petit Jean dans le Robin des Bois de Disney, 1973), Robert Mitchum dans Le Grand sommeil (1978) et très souvent Burt Lancaster (Trapèze, Scorpio…) et Bud Spencer ( On l'appelle Trinita…).
Claude Bertrand est aussi apparu dans quelques films et feuilletons français : Le Couteau sous la gorge (1955), Marguerite de la nuit (1956), Michel Vaillant (1967), Omer Pacha (1970), L’Amour l’après-midi (1972), Les Cinq dernières minutes (1975), Police Python 357 (1976), Le Maître d’école (1981)…
En 1979, à l’âge de 60 ans, Claude Bertrand prend sa retraite et part s’installer à Bessèges dans le Gard. De là, il remonte régulièrement à Paris pour le doublage des films de Roger Moore et de Bud Spencer en particulier. En mars 1985, les premiers signes d’une longue maladie apparaissent. Il nous quitte le 13 décembre 1986.

(A la mémoire de Yann Chesnais et de son "Sir Roger Moore Project")
(c) La Gazette du doublage - 2020