" If we fall in love with certain ideas we don’t
forget them.
If we fall in love with a certain girl we just can’t forget
her. "
Si traquer nerveusement des œufs aux
quatre coins d’un jardinet de campagne, enveloppé dans
la brume pénétrante d’une matinée pascale,
est hélas une tradition en passe d’être surannée,
se lancer dans la quête d’œufs numériques paraît
par contre connaître un succès foudroyant. Cette
battue virtuelle cumule d’ailleurs les avantages : on
peut l’effectuer chaudement emmitouflé devant l’écran
de sa télévision ou de son ordinateur, et, mieux
encore, la période d’ouverture de cette chasse peu
ordinaire court sur toute l’année et non plus sur un
seul jour. Après tout, me direz-vous, qui donc sait
pourquoi nous offrons des œufs en chocolat à Pâques ?…
Du reste, les œufs de Pâques qui nous intéressent
ici entretiennent moins de relations avec la cynégétique
qu’avec la cinéphilie.
|
|
|
|
Easter Eggs est en effet le
terme qu’ont choisi les distributeurs de DVD, Dieu sait pour
quelle raison, pour désigner les bonus cachés
présents sur ces galettes. On peut se demander également
ce qui légitime la présence de ces bonus, si
ce n’est que leur recherche se révèle probablement
plus captivante que leur contenu même. Ces easter
eggs sont souvent de simples cache-misère qui ne
peuvent vraiment dissimuler l’insignifiance des quelques images
qui apparaissent une fois leur protection déjouée :
bande annonce au rabais, chiches interviews volées
de quelques secondes, extraits virevoltants de making of à
l’emporte-pièce, etc., autant de passages dont l’absolue
nécessité de la présence sur le DVD peut
effectivement être parfois difficile à justifier
d’un point de vue artistique ou critique. Nul besoin d’être
expert en marketing pour réaliser que, si ces bonus
contenaient des scènes coupées ou des interviews
dignes d’être mises en valeur, la dernière tactique
à adopter serait de les dissimuler derrière
toute une série de manipulations cabalistiques qui
risquent de faire périr d’ennui le profane.
Un coffret DVD de la première saison de Twin Peaks
est paru aux Etats-Unis, lui aussi agrémenté
de quelques easter eggs. Parmi ces bonus cachés,
nulle trace hélas de scènes coupées du
feuilleton original, pourtant récemment projetées
lors du dernier Festival Twin Peaks qui se tient chaque
année sur les lieux mêmes du tournage. Même
si les séquences en question sont somme toute anecdotiques
(il s’agit notamment de scènes supplémentaires
du feuilleton Invitation to Love censé tenir
en haleine toute la petite communauté de Twin Peaks
tout en procédant à une légère
mise en abyme décalée des problèmes rencontrés
par les personnages), les inclure dans cette édition
aurait néanmoins constitué un morceau de choix.
Et je ne parle pas ici du serpent de mer qui resurgit régulièrement
dès que l’on évoque Twin Peaks :
les fameuses scènes coupées, non de la série,
mais du long métrage Fire, Walk With Me, feuilleton
rocambolesque en lui-même qui pourrait remplir aisément
à lui seul plusieurs pages de cette rubrique s’il me
fallait conter par le menu les projets successifs avortés,
les rumeurs infondées, les pétitions acharnées
de fans énamourés, qui se sont tous inéluctablement
et invariablement soldés pour l’instant par des échecs
complets. La compagnie MK2 ayant acquis le catalogue des films
de Ciby 2000 et projetant de sortir une version du film dans
les prochains mois, le rêve secret de tout Twin Peaké
enragé renaît de ses cendres aujourd’hui, mais
nul ne sait si un happy end viendra récompenser
cette attente dévouée.
|