Pourquoi M. R est-il
atteint de folie meurtrière ? (1969)
Le cadre change radicalement avec le deuxième film de la soirée,
Pourquoi M. R est-il atteint de folie meurtrière ? (1969),
tourné avant
Rio, en co-réalisation avec Michael Fengler.
Selon Yann Lardeau, dans sa monographie
Rainer Werner Fassbinder
(Collection Cahiers du Cinéma Auteurs ; Editions de l’Etoile/Cahiers
du Cinéma ; 1990) dont la lecture enrichissante est vivement
conseillée à toute personne intéressée par l'oeuvre du cinéaste,
le réalisateur n'appréciait que peu ce film qui s'appuie principalement
sur des improvisations créées par les deux réalisateurs. Il
est en effet utile de rappeler que, malgré le nombre important
de films tournés chaque année, Fassbinder attachait une importance
suprême au contrôle total de tous les éléments du tournage,
une manière de travailler qui s'oppose entièrement aux longues
séquences improvisées de
M. R.
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On est presque tenté de
donner raison à la désapprobation du réalisateur si ces pans
de vie dune banalité accablante qui semblent tourner en roue
libre ne servaient pas si magistralement le propos du film.
Le film raconte dailleurs moins la course forcenée d'un bourgeois
qui perd ses repères (comme a pu le faire Chute libre
(1993) de Joel Schumacher) et comme le laissait présager le
titre, hautement révélateur, que les étapes d'une vie quotidienne
bien remplie par toutes les responsabilités ternes dun père
de famille, dessinateur technique. Le spectateur assiste alors
au travail consciencieux et solitaire dans une agence d'architecture,
aux réunions et promenades en forêt enneigée de famille avec
les disputes obligatoires et banales de l'épouse avec la belle-mère,
au rendez-vous avec l'institutrice qui fait part de son inquiétude
quant aux déficiences scolaires du jeune fils ou à une fête
d'entreprise bien arrosée. La séquence la plus mémorable est
sans doute celle du magasin de disques où M. R (Kurt Raab)
veut acheter une chanson qu'il a entendue à la radio, mais
dont il ignore le titre et l'interprète. Les vendeuses mi-gênées,
mi-amusées font alors passer la crème de la musique populaire
ringarde de l'époque, de Heintje, en passant par Roberto Blanco,
jusqu’à Freddy Quinn.
L'acte final vient pratiquement comme un soulagement et contient
néanmoins l'impact de la surprise face à un personnage très
passif, très réservé, qui semble subir le regard un brin condescendant
des autres avec indifférence. Cette folie meurtrière,
qui reflète mieux le caractère pathologique du comportement
en français que le terme allemand, est ressentie comme gratuite,
sans raisonnement, tant l'existence de M. R est plate, bien
rangée et ennuyeuse. Le geste meurtrier semble la seule issue
d'un univers petit-bourgeois exempt de tout personnage contestataire,
une homogénéité sociale et idéologique rare dans l'oeuvre
de Fassbinder qui se fait généralement le chantre des exclus
et des marginaux.
DEUX ŒUVRES OPAQUES ET UNE BRISE D’AIR
FRANCAISE
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Un grand saut en avant dans
le temps avec deux oeuvres de la fin de la carrière de Fassbinder
: La Troisième génération (1979) et L'Année des
treize lunes (1978) et, entre les deux pour s'aérer
un peu la tête, Le Bonheur (1965) d'Agnès Varda.
Alors que les deux films de la veille trouvaient une cohérence
stylistique dans les décors simples et dans l'éclairage
cru et surexposé, le programme de ce jour se distingue par
une encore plus grande maîtrise de la mise en scène qui
sombre cependant par moments dans l'opacité et dans le trop
plein.