La Troisième génération (1979)
Dès le générique, qui s'affiche sur fond de la "Gedächtniskirche"
berlinoise vue d'une fenêtre de bureau au bruit battant de
la bande son, le ton est donné pour l'un des films les plus
opaques et difficiles d'accès de Fassbinder. Avec les efforts
d'un groupe de terroristes comme cadre, le film s'enlise à
force de vouloir être drôle et stimulant. Rythmé par des citations
de textes très explicites, récoltés dans les toilettes publiques
des gares, les actions des contestataires violents se limitent
à un coup à main armée contre une banque et l'enlèvement d'un
industriel (Eddie Constantine) qui joue un double jeu avec
le monde du crime et celui de la police. Celle-ci est incarnée
à travers les traits secs de l'inspecteur Gast (Hark Bohm),
dont le frère compositeur Edgar (Udo Kier) et la femme de
celui-ci Susanne (Hanna Schygulla) font partie du groupe.
De repas de famille décalé, en tête-à-tête entre le fonctionnaire
et sa belle-soeur, le film brosse le portrait d'une société
qui s'accroche d'un côté aux valeurs du passé (le grand-père
qui rappelle ses souvenirs de guerre) et de l'autre adhère
aux philosophies révolutionnaires rapidement détournées par
les pouvoirs en place.
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Que tout cela déroute plus
qu'il ne donne à penser est en premier lieu dû à la bande
son qui ne laisse que très rarement place au silence au
cours d'une durée de presque deux heures, et, pendant la
majorité du temps, s'étale sur au moins deux, voire trois
niveaux, dont un est constitué de la voix monotone de présentateur
de JT, Jo Brauner. Le doublage des acteurs étrangers (Bulle
Ogier, Eddie Constantine et, bizarrement, Udo Kier) contribue
de même à une impression d'artifice qui coupe constamment
le nerf vital du film.
Le Bonheur (1965)
Après le bourrage de crâne que constitue indéniablement
La Troisième génération, l'heure était à l'évasion,
loin de Lili Marleen (1980) qui passait dans lautre
salle dans une copie apparemment un peu abîmée, avec le
très beau Bonheur de Agnès Varda, Prix Louis Delluc
à l'époque. Ce qui commence avec des tournesols sur fond
de musique classique et se poursuit avec la description
de la vie d'un charpentier, François (Jean-Claude Drouot)
à Fontenay, laisse d'abord craindre une histoire à l'eau
de rose, tout aussi niais que joliment filmé. Evidemment,
en tant qu'admirateur de l'oeuvre de Varda, on ne se laisse
point duper par cette vision trop lisse, trop épanouie d'un
bonheur au quotidien. Et en effet, l'intrigue entame sa
trajectoire avec l'arrivée d'Emilie (Marie-France Boyer),
postière transférée de Vincennes au lieu de résidence du
protagoniste. Cependant, même avec l'intrusion d'une relation
adultère, l'épanouissement de François ne prend pas ombrage,
au contraire, son amour pour l'une renforce encore son attachement
à l'autre. Cette compréhension ne trouve hélas pas le consentement
de son épouse à laquelle il se confie lors d'une promenade
en forêt, un dimanche. Lorsqu'il se réveille après, elle
a disparu, noyée dans le lac avoisinant. Par la suite, pour
reconstruire sa famille, il va retrouver Emilie qui prendra
la place de la défunte.