Cidade de Deus de
Fernando Meirelles est le film de la décade au Brésil
(sortie française en février 2003). Avec déjà
plus de 3 millions d’entrées en trois mois, il s’impose,
en salles, comme le plus grand succès du cinéma
brésilien depuis la fin de la dictature. Sa sélection
cannoise a été le début d’une médiatisation
importante qui a entraîné des reportages sur
la favela concernée, puis sur les acteurs, puis sur
les réalisateurs, suivie de la ressortie du livre de
Paulo Lins (dont est tiré le film) et d’une pièce
de théâtre. Un documentaire est en cours de tournage,
réalisé par l’un des acteurs du film. On le
voit, le filon est tiré jusqu’au bout.
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Le DVD devrait être fantastique.
Certains conseillent même au jeune réalisateur
de finir son film pour les Oscars, afin de bénéficier
de l’élan publicitaire qui sera donné à
cette occasion, bien que le choix définitif des cinq
films étrangers ne soit annoncé qu’au début
de l’année 2003. Il ne s’est pas passé une journée
sans un article dans la presse sur le film ou ce qui l’entoure :
l’épisode le plus cocasse est assurément survenu
le soir de l’avant-première dans un quartier chic de
Rio. Pour pouvoir réaliser un film de fiction dans
une favela où l’on ne réside pas, il faut
l’accord des " membres de la communauté ",
en d’autres termes, des trafiquants de drogues qui contrôlent
à peu près tout dans une communauté.
Afin de les remercier, certains d’entre eux ont été
conviés. Ah lala... Débarquement de la police,
qui a eu vent de leur venue, arrestation, tentative d’arrangement,
échec, embarquement des trafiquants, première
page des encarts culturels le lendemain. Une pub énorme
je vous dis.
Cidade de Deus est bien plus qu’un simple film, son
succès est un nouveau souffle accordé au cinéma
brésilien dont les principaux responsables se battent
actuellement pour imposer une réglementation plus contraignante
pour les cinémas étrangers et favoriser les
productions nationales. Les choix effectués aujourd’hui
par l’Ancine (créée en 2002, équivalent
de notre CNC) effraient les majors hollywoodiennes (90 % de
PDM) : création d’un fonds de soutien, mise en
place de nouvelles taxes sur les différents supports
de diffusion, sur la distribution de films étrangers
au Brésil, obligation d’investir dans la production
nationale pour éviter un impôt supplémentaire.
La MPA a été très claire. Son objectif
n’est pas de perdurer avec une PDM de 90%, mais bien d’atteindre
les 100% en Amérique Latine. Le rouleau compresseur
est en marche.
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La réaction tardive des brésiliens
à créer une Agence du Cinéma devrait
cependant permettre la pérennité d’un cinéma
en langue brésilienne. Les Américains et les
Brésiliens ont tout de même réussi à
trouver un point d’entente : la lutte contre le piratage.
Le Brésil concentre 40% du piratage et du " hacking "
informatique mondial, loin devant les asiatiques. On trouve
de tout : des films au format DIVX avant leur sortie
en salle pour 2 euros, à peu près tous les logiciels
informatiques existants. Pour exemple, la dernière
version du logiciel Maya 4.5 (logiciel d’animation) était
disponible pour 5 euros dans les rues de Rio une semaine après
sa commercialisation aux Etats-Unis, alors que le prix dans
un commerce est supérieur à 4.000 US$. Oui vous
lisez bien, ce sont des chiffres exacts. La perte est évaluée
en milliards de dollars pour les compagnies.
Côté cinéma, la MPA tire depuis plusieurs
mois la sonnette d’alarme. La vente de CD, de films, de programmes
ne se fait pas sous le manteau mais au grand jour : publicité
dans la presse quotidienne, avec téléphone,
mail, site Internet, nom du vendeur, etc. Pourquoi se cacher.
Il faut préciser que la plupart d’entre eux se situent
dans les favelas les plus dangereuses de Rio et de São
Paulo, dans lesquels la police, lorsqu’elle a le courage de
s’y rendre, est accueillie au fusil-mitrailleur et au lance-roquettes.
Vous l’aurez compris : avant la lutte contre le piratage,
bien d’autres défis attendent le nouveau gouvernement
du PT (Parti des Travailleurs) de Lula.
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