Objectif Cinéma :
Pourtant au fil de votre carrière, cette
étrangeté est devenue quelque chose à laquelle on vous associe.
C'était un choix dès le départ, un parti pris, d'être dans la
marginalité, incarner l'étrangeté ?
Marina de Van :
Non, pas du tout. Les thèmes qui m'intéressent en tant que réalisatrice
sont à la limite du réel, mais pas en tant que choc, ni dans
le fantastique, mais peut être dans le malaise. Je ne suis pas
quelqu'un qui est du côté du texte, du coup j'ai davantage besoin
du spectaculaire. D'autre part, on m'associe à ce que j'ai fait
avec François Ozon, qui m'a fait jouer des rôles particuliers
; il avait aimé mon court-métrage Bien sous tout rapports,
il trouvait que j'avais une tête vraiment bizarre et m'a demandé
de jouer dans Regarde la mer. Et les gens aussi trouvent
que j'ai une tête étrange, particulière, ce que je ne comprends
pas du tout. J'ai plutôt l'impression d'avoir des traits réguliers,
pas une icône de beauté, mais rien de très spécial non plus.
J'adore Regarde la mer, j'aime ce côté brutal, malsain
que j'arrivais à dégager, mais c'était un rôle, ce n'était pas
moi... En tant que comédienne, je ne voulais pas m'enfermer
dans ce genre de rôle. Pourtant par la suite, on m'a proposé
toute une série de personnages trash, dangereux... Ce qui n'est
pas du tout moi, je ne suis pas dans la provocation. L'inquiétude
m'intéresse, j'ai des goûts de spectatrice assez classiques
par rapport aux réalisateurs qui ont traité ce thème, comme
Hitchcock ou Spielberg. Par exemple, Jurassic Park est
un film que j'adore, j'ai peur lorsque les dinosaures attaquent
les enfants, ces mâchoires avec toutes ces dents... D'autre
part, j'aime aussi Pasolini, Visconti, Lynch et Cronenberg.
Pas au niveau de l'horreur ou du surnaturel, car de toute façon
je n'ai ni les moyens ni l'imagination d'aller dans cette direction.
Mais avoir peur, ça m'intéresse.
Objectif Cinéma :
Cronenberg. Voila, on y vient !
Marina de Van :
Oui j'adore ses films. A chaque fois que je vois un nouveau
film de lui, je me dis « tiens voila un sujet qui
m'intéresse moi aussi, que j'aurais souhaité traiter ».
Crash et la mutilation, par exemple. Mais mon personnage
n'a pas la maturité, la froideur rituelistique de ceux chez
Cronenberg. Elle doit mûrir encore un peu avant de pouvoir
se joindre à eux (rires). J'apprécie également sa
rigueur, sa maîtrise formelle.
Objectif Cinéma :
Votre film en témoigne, au niveau des cadrages, du montage.
Marina de Van :
Je l'espère, je ne voulais pas aller vers un ton qui aurait
laissé croire à un état second du personnage. Elle est en
pleine possession d'elle-même, responsable de ce qu'elle
tente. La mise en scène devait aussi refléter ce choix.
Objectif Cinéma :
Et le cinéma japonais, vous connaissez un peu ?
Marina de Van :
Hmm... J'ai plus lu que vu, à part les classiques n'est-ce
pas....