Le plan de Punch-Drunk Love, son home sweet home (l'appartement de célibataire de Barry) est chaud et douillet, empreint de joie et de tristesse diffuses. Lena aurait voulu embrasser Barry et ne l'a pas fait ; elle lui annonce d'un ton solennel que désormais, où qu'il puisse aller, les lieux, endeuillés, s'en souviendront. Quelle est cette langueur qui anime le regard et le corps de Leni (l'usage de la steady-cam qui épouse sa démarche souple), cette frénésie qui déborde d'un coup de Barry (qui fracasse des vitres comme la vitre du plan) ? Mosaïque, étirement de plans multicolores, Punch-Drunk Love brille dans une mécanique fluide et phosphorescente de sons et lumières. Le son hors-champ s'emballe, se propage de l'intérieur et fragilise la cellule du plan sans cesse au bord de l'implosion. Les percussions dictent la tonalité musicale et esthétique, le plan-séquence devenant une unité vibratile, raide et tangible par intermittences, couleur dominante et musique interne du plan qui nivellent l'angoisse. Paul Thomas Anderson puise aux sources du mélodrame (la société liguée contre le couple heureux malgré tout). Dans ses charges picturales, lumineuses, ou à contre-jour, il en renouvelle l'essence. Fragile et magnifique entre-deux : Barry, comme le film, incarne le merveilleux et la violence instinctive. Strident et larmoyant à la fois.