Si ces cinéastes
en petite forme se montrent fatalistes en affirmant que l’Histoire
se répète, à Beyrouth ou ailleurs (Chahine,
Loach), d’autres, plus jeunes (S. Makhmalbaf, Sean Penn),
ont su remettre en question leur vision du monde et du 11
septembre 2001. Alejandro Gonzales Inarrituz est de ceux-là.
Son film brille au milieu d’une sélection vieillie
dans l’urgence, qui se répète elle-même
(le vieux cinéma de Loach et le
word cinema
de Nair ressemblent à des soliloques) et aurait gagné
à innover, renouveler les formes filmiques. Le film
de Gonzales Inarrituz remet en cause, dès l’apparition
d’un écran noir, notre regard sur l’événement.
Plutôt qu’une répétition du même
: rien se sera plus comme avant. On touche là à
un traité d’abstraction sur un événement
qui, abstrait par nature (
on n’y croyait pas) affirmait,
image après image, zoom par zoom, une réalité
derrière les images. Le
11’09’’01 de Gonzales
Inarritu est un point mort derrière la lucarne : au-delà
de l’écran, aucune certitude, nulle perception et un
doute. Trois choix nécessaires. Qu’est-ce qu’un corps
tombé d’une tour nous demande-t-il ? Un suicide qui
s’apparente à une virgule projetée dans le vide.
Qu’est-ce qu’un écran noir ? L’écran noir, entrecoupé
de virgules humaines, signe une volonté de
tabula
rasa.
Certains, comme Ken Loach, versent dans la
leçon d’histoire. Mais avant le devoir de mémoire,
Inarritu rappelle à raison que la stupeur prédomine,
que la vision précède la moindre analyse historique.
Son
flicker visuel (battement d’images) récuse
les discours péremptoires tout en insufflant une réelle
angoisse dans l’usage de prières indiennes en forme
de litanie. De logorrhée, il n’y en aura, cette fois-ci,
jamais, puisque sont interrogés nos fondements mêmes,
regard et perception mêlés, en une vision extatique.
Ce cinéaste révèle l’événement
à partir d’un refus de la norme. De cette expérience
sensorielle, splendide miroir d’ombres, d’échos sonores
et de
flashs lumineux, sourd un caractère horrifique
: celui du 11 septembre 2001.