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The Magsalene Sisters (c) D.R;
Le sujet de The Magdalene sisters est donc majeur et grave puisque ce ne sont pas moins de 30 000 jeunes femmes qui ont trouvé la mort, ainsi incarcérées dans ces couvents irlandais, où la torture, tant morale que physique, sévissait et ce, depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours. En effet, ce n’est qu’en 1996 que le dernier couvent-prison expire enfin…

Peter Mullan filme donc l’horreur ; l’horreur de la privation de liberté mais aussi, l’horreur de la répudiation parentale dans une Irlande conservatrice, traditionaliste, hypocrite, repliée sur elle-même et sur une Eglise qui régit tout.

La séquence d’ouverture est éloquente, bien que quasi muette. La jeune Margaret (bouleversante Anne-Marie Duff jouant toute en force et fragilité mêlées) se fait violer par son cousin lors d’un mariage bruyant. Tandis que la musique folklorique martèle ses rythmes, oppressante, entêtante, que l’information circule au sujet du viol - habile montage d’échange de regards - en larmes, ébranlée, Margaret, victime pourtant incontestable, croise le regard de son père qui en dit long, très long. Il la rejette déjà, la bannit, sans appel, d’un seul coup d’œil. On devine que le cousin quant à lui, est épargné, blanchi.

Le mâle domine donc, tandis que la condition de la Femme, ici dans le Dublin des années 60, est clairement déterminée, verrouillée : infériorité, soumission à la loi de la " bonne " famille chrétienne, à la loi masculine, négation de toute identité, féminine autant qu’humaine. La Femme est l’incarnation de la faute, de la tentation. Elle est Le péché originel, pour ne pas dire un rebut.

Afin d’incarner personnellement et comme pour mieux dénoncer cet intégrisme forcené, le réalisateur Peter Mullan se donne un rôle court mais fondamental dans son film ; celui d’un père buté, enfermé dans la tradition et ce, jusqu’au pire.

Dans une séquence insupportable de violence, il ramène sa fille au couvent duquel elle vient de s’échapper et formule une phrase terrible, définitive. Elle n’a plus ni père ni mère, lui dit-il. Elle est seule au monde, et ne reviendra jamais chez elle. Elle n’a plus de foyer, crie-t-il. Horreur d’un tel abandon, d’un tel reniement… impensable et pourtant bien réel.

Peter Mullan ne nous ménage donc pas et nous place au cœur même de l’enfer vécu par ces femmes au quotidien, femmes-ouvrières de laverie, non payées, exploitées, vêtues à l’identique, rasées quand elles tentent de fuir - ce qui rappelle les pires heures de la collaboration et des camps de concentration - humiliées dans tous les actes de leur non-vie… Dans un tel cadre où toute sensibilité, toute compassion même est abolie, l’inhumanité des filles guette.

La folie n’est pas loin non plus. D’ailleurs, l’une d’entre elles, ayant accusé le prêtre de ne pas être un homme de Dieu (il couche avec elle), finira ses jours à l’asile où elle y deviendra réellement folle. Perversion d’un système vicié, perversion de ses acteurs. Hypocrisie totale.

Le suicide, la fuite, sont les seules alternatives à la prison, à moins d’attendre la mort, comme cette vieille femme ayant passé toute sa vie au couvent et que l’une des filles, Bernadette (étonnante Nora-Jane Noone dans son premier rôle), au seuil de la mort, la presse de " crever ", lui précisant froidement dans le creux de l’oreille, qu’elle ne compte pas et n’a jamais compté pour personne ici…