En plongeant son personnage dans un
monde régi par l’uniformité et dans lequel pourtant des complots
sont fomentés par des gens apparemment plus intelligents,
le cinéaste s’amuse avec les degrés de lecture que prend son
histoire. Il construit un thriller parano dans lequel il est
bon de ne pas tirer de conclusions trop hâtives. Avant tout,
Cypher est un film d’atmosphère et qui donc se vit.
Une ambiance morne et étrange qui rappelle aussi bien le Brazilde
Terry Gilliam (on pense même par intermittences à du Orwell)
que Avalon de Mamuro Oshii avec lequel il partage le
même goût pour les images sépia. Après, on peut le voir comme
un thriller initiatique dans lequel le protagoniste, d’une
impeccable complexité, s’interroge sur lui-même et le monde
qui l’entoure. Qui est-il ? Est-il réellement menacé ? Qui
lui veut du mal ? Et si le monde dans lequel il vivait était
tout simplement une représentation de sa folie ? Que signifie
ces images lapidaires qui se répètent agressivement dans chacun
de ses rêves ?… En alternant la réalité et le rêve, le cinéaste
construit un subtil édifice qui suscite les interrogations,
intrigue, captive, passionne…
Le film aurait pu se réduire à une
étude du lien entre la réalité et le virtuel, comme l’avait
fait Cronenberg avec son eXistenZ. Mais Natali va au-delà
de ce thème commun de la science-fiction pour musarder dans
d’autres directions, plus audacieuses et osées. En profondeur,
le film s’amuse à court-circuiter les conventions du film
d’espionnage, oublie progressivement la rigueur d’un script
tellement filandreux qu’il en devient fastidieux et bascule,
non sans une certaine désinvolture, dans un registre plus
détendu, voire parodique. Un humour discret qui, contre toute
attente, lui sied plutôt bien et dont le personnage le plus
représentatif serait celui incarné par Lucy Liu, étonnante
dans cette bizarrerie ambiante. Comme pour son précédent Cube
qui s’achevait de manière inattendue, Natali décide de proposer
une résolution loufoque à son mystère trop mystérieux. C’est
peut-être là où le bât blesse, car cette pirouette scénaristique
finale est une explication maladroite qui justifie tous les
événements que nous venons de voir. Mais, à défaut de la trouver
convaincante, on peut prendre le parti de rire de cette faille.
Trop référencé pour être une référence, Cypher, objet
singulièrement singulier, est un film inconfortable mais intéressant
jusque dans ses faiblesses qu’il assume avec une honnêteté
et un sens de la dérision qui jouent en sa faveur. Imparfait
mais attachant.
Titre :Cypher Réalisateur :
Vincenzo Natali Scénario : Brian
King Acteurs : Jeremy Northam,
Lucy Liu, Nigel Bennett, Timothy Webber Producteurs : Paul
Federbush, Wendy Grean Directeur de la photographie
: Derek Rogers Chef décoratrice :
Jasna Stefanovic Montage : Bert
Kish Chef costumière :
Tamara Winston Superviseur des effets spéciaux :
Bob Munroe Distribution :
Metropolitain Filmexport Date de sortie :
26 mars 2003 Durée : 1h35 Pays : Etats
Unis Année : 2003