Swimming Pool apparaît comme une belle et cruelle rencontre
entre Regarde la mer et Sous le Sable, deux
œuvres dérangeantes qui préféraient les non-dits à la lourde
démonstration. Cet exercice de style bénéficie aussi d’une
interprétation en tous points remarquable : Ludivine Sagnier,
excellente en fille frivole et sexy qui passe son temps à
ramener des petits copains à la maison, et surtout Charlotte
Rampling, parfaite, exceptionnelle en écrivain frustrée. La
caméra d’Ozon magnifie les deux actrices : elle frôle les
corps, les filme avec une sensualité extrême et laisse clairement
apparaître la fascination de Sarah pour le beau corps de Julia,
non pas parce qu’elle le désire sexuellement mais parce qu’elle
aimerait le posséder. On est alors plus proche des fantasmes
que de la simple homosexualité : Ozon fait nager cette fois-ci
le script dans les eaux troubles d’une piscine qui possède
son lot de mystères (qui sait, après tout, ce qu’on peut retrouver
au fond de cette piscine?).
Ce n’est pas tout : Swimming
Pool débouche sur une réflexion sur les affres de la
création. Dans le film, Sarah choisit d’écrire un nouveau
livre qui, selon les souhaits de son éditeur, devra déconcerter
les critiques. On peut arguer que le cinéaste a dû trouver
un écho dans ce que vit Sarah Morton, en panne sèche d’inspiration
et d’idées neuves. Cela traduit-il l’angoisse d’Ozon de
se cantonner dans un unique registre ? Doit-on voir en les
peurs de Sarah, celles du cinéaste ? Est-ce pour cette raison
qu’il est aussi prolixe ? Pour toujours avoir quelque chose
à faire ? Par la peur de l’inactivité et du néant ?
Quitte à faire des comparaisons, Swimming Pool rappellerait
presque Storytelling, mise en abîme impressionnante
de Todd Solondz dans lequel le cinéaste se mettait en scène
à travers un documentariste minable qui profite de la médiocrité
de ses personnages pour faire des films... Libre à chacun
d’y voir ce qu’il veut mais qu’on ne réduise pas Swimming
Pool à du simple égocentrisme. Les différents degrés
de lecture, la richesse émotionnelle du scénario, la force
de l’atmosphère et la justesse de l’interprétation procurent
un plaisir infini qui donne à ce Swimming Pool le
statut qu’il mérite : celui de chef-d’œuvre.
Titre : Swimming-pool Réalisateur : François
Ozon Scénaristes : François
Ozon, Emmanuelle Bernheim Acteurs : Charlotte
Rampling, Ludivine Sagnier, Charles Dance, Marc
Fayolle, Jean-Marie Lamour Compositeur : Philippe
Rombi Directeur de la photographie
: Yorick Le Saux Costumière : Pascaline
Chavanne Monteur : Monica Coleman Chef décorateur :
Wouter Zoon Producteurs : Olivier
Delbosc, Marc Missonnier Distribution internationale
: Celluloïd Dreams Production : Fidélité
Productions, Canal +, France 2 Cinéma, Gimages,
Headforce Coproducteur : Timothy
Burrill Distribution : Mars
Distribution Sortie le : 21 mai
2003 Durée : 1h 42mn Pays : France Année : 2002