SYNOPSIS :
Interaction dramatique et comique entre les intrigues sentimentales
d'aristocrates et celles de leurs domestiques au cours d'une
chasse en Sologne. Certainement le plus beau film de Jean
Renoir ou les jeux de portes et les perspectives sont un veritable
chef-d'oeuvre..
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ECUREUIL
ET CURIEUX
C’est un photogramme
: une femme et deux hommes regardent, pas du tout dans la même direction.
Il est reproduit sur la couverture du nouveau découpage intégral de La
règle du jeu de Jean Renoir, établi par Olivier Curchod (1), ainsi que sur le DVD disponible aux Editions Montparnasse.
L’image est familière. On reconnaît ce moment du film où Christine découvre
les vertus de la lunette d’approche utile au chasseur.
Dans le plan concerné (n°192),
Berthelin confie la lunette à Christine qui la porte à son
œil pour observer un écureuil. Octave s’intéresse vivement
à l’instrument d’optique, et ne cesse de s’agiter derrière
Berthelin, attentif à l’appareil et à Christine, attendrie
et émerveillée par ce qu’elle voit. L’écureuil (plan 193)
grimpe à une branche en nous regardant parfois, pendant que
Berthelin théorise sa pratique de chasseur en une magnifique
définition du cinéma selon Renoir :
Son optique est
si fine, et sa disposition telle, que, servant de téléloupe à peu de distance,
vous examinez ce p’tit écureuil sans l’intimider, et vous vivez toute sa vie
intime.
La lunette est
une parfaite camera obscura dans la main gantée de noir de Christine.
Personnage interprété et
animal sauvage ont un destin commun : être examinés dans leur
vie intime. Ainsi donc, l’animal renvoie son regard à Christine,
comme le rossignol baissait la tête vers les futurs amants
de Partie de Campagne (c’est alors que Renoir coupait
pour revenir sur eux). L’anthropomorphisme est un cliché cruel
: Jurieu, dans La règle du jeu, sera visé et abattu
comme un lièvre.
Image familière, sur cette
couverture de livre, et cependant presque inconnue. Vient
d’abord l’idée que ce serait une photo de plateau. On le sait,
une photo de plateau n’est jamais une photo de film, mais
une évocation à la fois précise et idéalisée d’un moment du
film, qu’on ne retrouve jamais à l’identique sur l’écran.
Le visage d’Octave est cadré dans le triangle formé par le
bras levé, l’avant-bras replié et le cou, prolongé du visage
de Christine (2). Revoir ce plan image par image apporte
l’explication : le visage d’Octave n’est filmé ainsi que sur
quatre images, trop court pour laisser une marque durable
dans la mémoire (3).
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