SYNOPSIS :
William Harford et sa femme Alice
mènent la vie banale d'un jeune couple new-yorkais...
Aussi, lorsque Alice révèle à son mari
ses fantasmes adultères, William, dévoré
par cette troublante confession, cède à la jalousie
et au jeu de la tentation. Il entame alors un périple
nocturne où ses obsessions le mènent en des lieux
étranges et mystérieux... |
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LA GUIRLANDE
FANTASMATIQUE
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Un film très
attendu n’est pas forcément décevant. Tout dépend
de notre comportement face à l’œuvre d'art qu'on ne
doit pas confondre avec un produit de consommation rapide,
à notre époque où l’urgence nous pousse
dans les derniers retranchements de nos préjugés.
Non, aller voir un film, un tableau, ou encore ouvrir un livre
et écouter de la musique, c’est s’abandonner. S’oublier
pour mieux revenir à soi ; et le moi aura imperceptiblement
changé, c'est la seule chose dont on peut être
sûr avant.
L'ère du soupçon empêche parfois cet abandon,
et la seule urgence, de nos jours, est d’entrer dans une nouvelle
ère. Le film de Stanley Kubrick nous en montre la direction,
qui est d’autant plus claire que le titre nous dit ironiquement
d’y aller aveuglément. Effectivement, la scène
cruciale du film est une scène invisible, non montrée,
sur laquelle nous avons, à juste titre, les yeux fermés.
Cette scène se glisse entre la nudité nocturne
des deux protagonistes devant le miroir et leur réveil
au matin suivant, à la fin du premier tiers de l’histoire.
Cette scène existe nécessairement en nous, dans
un lieu qu’on ne peut qualifier plus précisément
que par l’expression galvaudée de " quelque part
". Toute l’intrigue du film se joue dans l’ambiguïté
de cette intimité dont on ne sait rien. D’ailleurs,
la question se précise : ce n’est pas où, mais
si oui ou non l’homme et la femme se sont donnés l’un
à l’autre. Là naît le fantasme. Derrière
nos paupières closes, là où se réfugient
nos inclinations les plus désireuses. Car un fantasme
est un cadeau qu’on imagine, un fantasme est la projection
d‘un présent à venir, là, sous le sapin
de Noël où brille la guirlande féstive.
Car un fantasme est une invitation à la fête,
qui sonne comme un " faites vous-mêmes ",
une image qu’on ne voit pas et qui ne peut mentir.
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En revanche, ce qu’on voit peut parfois
se prêter au mensonge, surtout quand on cherche à
faire mentir l’image, ce que tente le personnage incarné
par Sydney Pollack, dans lune des dernières scènes
du film. Il répète à plusieurs reprises
que ce qui s’est passé ce fameux soir durant la débauche
vénitienne n’était qu’une parade théâtrale,
que c’était de la mise en scène, que la jeune
femme n’a pas été assassinée, en un mot.
" It was fake ", voilà ses paroles. "
Fake " qualifie aussi ce qui est falsifié, faux.
Et l’autre mot qui résonne étonnamment avec
celui-là est celui de la fin, car fuck isnt fake. Ici,
Kubrick a réussi à toucher les deux principales
faiblesses de l’humanité en ce siècle finissant
: limage et la sexualité. On ne s’attarde plus sur
le désir, on baise ; on ne comprend plus ce qu’on voit,
on regarde. La sexualité a été mise exagérément
en images, et cette démonstration forcenée a
fait du sexe un monstre. " Les relations à partenaires
multiples, l’infidélité, le viol, l’inceste
ont toujours existé. Pourquoi en parler avec plus d’insistance
aujourd’hui ? " demande Tony Anatrella dans son magnifique
essai Le sexe oublié (Champs, Flammarion, 1990).
Kubrick répond à cette question à travers
le comportement des personnages croisés par Tom Cruise
dans le film, tous paumés dans leur affectivité
errante.
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