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Suspiria (c) D.R. SUSPIRIA
de Dario Argento
Par Jean-Paul LANCON


LES TOILES DU CAUCHEMAR

Suspiria, comme la plupart des films de Dario Argento, est construit autour d'une intrigue formelle, qui, une fois résolue, permet au final de localiser l'assassin, et accessoirement d'en révéler l'identité. Il s'agit d'une image ou d'un son dont la signification pose problème. Dans Suspiria, Suzie Banner, l'héroïne, n'arrive pas à se rappeler ce que criait la fille dans l’interphone, sa voix étant couverte par le bruit de l'orage. A force de concentration les mots prononcés lui reviennent : "tourne l'iris bleu !".

  Suspiria (c) D.R.

Cette découverte l'amène à comprendre qu'il faut tourner la fleur, incrustée en relief dans la tapisserie d'une des pièces de l'école de danse, qui ouvre une porte secrète dans le même mur : c'est la clé de l'image (la tapisserie). Mais chose importante, par la suite c'est un éclair qui localise fortuitement la sorcière dans sa chambre, en soulignant son contour comme une silhouette transparente. C'est cet éclair qui dénoue la véritable intrigue du film, à savoir : d'où (et de qui) viennent tous les sons (soupirs, grognements mêlés à une musique leur étant propre) qui traversent chaque séquence de meurtre La singularité de Suspiria réside ainsi dans la place de l'assassin dans le film : quelque part entre les images.

Dans le premier meurtre, la fille qui s'est échappée de l'école de danse sent une présence envahir sa chambre d'hôtel : le son caractéristique associé aux meurtres, soupirs et musique, devient omniprésent. Elle essaie en vain de scruter le noir par-delà la vitre de sa fenêtre ; aussitôt, un bras en sort et la saisit. Dans les ténèbres il n'y a rien d'autre que sa propre peur (son reflet dans la vitre), et elle n'a rien vu qui nous permette d'expliquer l’événement. Pour localiser la sorcière, il est inutile de se noyer dans l'image, car elle est ailleurs. Intentionnellement, Argento raccorde ensuite sur un aveugle - le pianiste de l'école. Et celui-ci mourra, paradoxalement, d'avoir cherché à voir. En effet, au moment où il ressent la présence de son agresseur, son réflexe est de paniquer : la faculté de voir lui faisant défaut, il s'en remet à son chien (ses yeux); or c'est l'animal, qui, possédé par l'esprit maléfique, se retourne contre lui. La peur liée au regard est fatale.

Lorsque Suzie et sa camarade doivent dormir avec les autres élèves dans le hall, des draps les entourent pour les séparer des professeurs. On leur a dit que la directrice serait présente parmi eux. Alors que ses soupirs se font entendre, elles les attribuent instinctivement à l'ombre portée sur un des draps. Nous croyons alors avec elle qu'il suffirait de lever cette "toile d'écran" pour découvrir cette personne entourée de mystère. Mais c'est évidemment interdit (comme au cinéma), et un simple zoom dans la zone d'ombre conclue la séquence, et pour l'instant, nous nous sommes encore égarés dans le noir.