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Brian de Palma (c) D.R. DE PALMA ET LE META FILM
ou un cinéaste de la parodie
Par Cécile GIRAUD



A l’occasion de la rétrospective intégrale Brian De Palma au Centre Georges Pompidou du 6 février au 4 mars 2002.


  Pulsions (c) D.R.
On savait De Palma hanté par les thèmes récurrents du dédoublement de la personnalité et du travestissement. La perruque blonde et les lunettes noires de Bobby dans Pulsions (déjà peu subtils) cachaient, sous le masque du thème et de la simple tromperie (qui est qui ?) dans laquelle se perdaient les personnages, un véritable engouement de la part du cinéaste pour le déguisement. C’est ce que l’on pût découvrir lors de la rétrospective intégrale des films de Brian de Palma au Centre Georges Pompidou qui se déroula du 6 février au 4 mars 2002. Alors que le thème du double et du travestissement semble s’étioler de film en film, ou devient de plus en plus pointu (le déguisement ne se désigne pas comme tel, il est invisible, impossible à déceler, comme dans Mission : Impossible), alors que se trouvent deux personnalités pour une même apparence (Snake Eyes) et non une personne pour deux sexes, deux visages (Pulsions), les premiers films de Brian De Palma, habités par William Finley, acteur devenu culte grâce à son rôle dans Phantom of the Paradise, désignaient le déguisement en observant sa fabrication, comme si le cinéaste expliquait avant coup le leurre dont allaient être victimes les personnages de ses films futurs.

En employant Finley dans tous ses premiers films, De Palma observe le travail du comédien sous tous les angles (voir Dionysus in 69, filmé par trois caméras et projeté en écran partagé), le suivant, transformation après transformation. Comme il le répète dans Dionysus in 69, William Finley est William Finley, William Finley est le personnage, et le personnage est William Finley. Quelle est la part de l’acteur et celle du personnage, où commence l’un, où finit l’autre ? Dans Dionysus, Finley se plait à nous perdre dans un mythe réinventé, où les personnages portent les noms des acteurs et inversement, où les spectateurs deviennent acteurs, les acteurs spectateurs, et s’unissent dans une transe au rythme des tambours. Finley brouille les pistes et empêche le bon déroulement de la pièce, la terminant en un cortège anarchiste, constituant ainsi la performance unique, et pourtant reproductible et manipulable, puisque filmée, montée et projetée… Ainsi débute une réflexion sur le cinéma et le réel (plus flagrante encore dans le documentaire, The responsive eye), et sur son rapport au temps. L’acteur représente l’instant, le réalisateur le fait vivre dans le temps. Mais ce que le réalisateur nous donne à voir est-il la même chose que ce que nous offre l’acteur ? L’un manipule l’autre, mais avec Finley, nous avons en fin de compte l’impression que l’acteur est roi. Il dirige le regard (voire le geste) du spectateur dans une performance qui ne possède pas de scène ni de lieu spécifique au spectateur, dans laquelle le regard peut errer sans s’attacher à rien, ou au contraire se fixer sur un acteur/personnage qui donne une vie parallèle à la pièce. Mais William Finley (car il est bien William Finley, même s’il est un William Finley schizophrène) est là, toujours changeant et surprenant, ne suivant d’autre guide que son esprit dérangé.

Phantom of the paradise (c) D.R.
William Finley est bien un acteur/personnage fantôme : noms multiples, visages et corps changeants. Alors que nous sommes en quête d’un nom pour le qualifier dans Dionysus, c’est son corps et surtout son visage que l’on cherche à cerner dans Wotan’s Take, un court-métrage de 1962. Seul son nom (justement) au générique nous permet d’identifier l’acteur. Un nom également est le seul garant de l’identité du personnage étonnant qu’il incarne. Ce qui interpelle est moins l’histoire pseudo narrative qui y est contée, ni le portrait de ce personnage, mais bien les séquences de transformation dans l’antre de cette créature magicienne. Car nous sommes bien dans un conte, où les péripéties et les apparences ne font pas illusion : nous ne sommes pas dans Mission : Impossible, où le jeu des masques nous perd dans l’identité des corps par leur caractère réaliste. Le masque est bien désigné comme tel : Finley enlève, ajoute, change de nez… Nous le voyons ôter et coller ces artifices grossiers et fantasmatiques, sans jamais voir ce qui se cache en dessous, le corps originel. Finley passe d’un déguisement à l’autre comme d’un lieu à l’autre, aussi magiquement, et ce déguisement est toujours aussi grotesque. Ainsi De Palma dévoile les artifices qui feront le succès de ses films futurs, et observe par ce fait le travail du comédien. Mais mine de rien, le comédien dirige le réalisateur autant que le réalisateur mène son film.