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Créances de sang (c) D.R. BLOOD WORK
de Clint Eastwood
Par Yves GAILLARD



SYNOPSIS : Lancé sur les traces du mystérieux et sanguinaire " Tueur au code ", le " profiler " Terry Mc Caleb (Clint Eastwood) est victime d’un accident cardiaque alors qu’il était sur le point de mettre la main sur son redoutable adversaire. Quelques années plus tard, l’homme se remet doucement d’une transplantation cardiaque, le seul moyen trouvé pour lui sauver la vie. Il coule des jours paisibles sur son voilier, bien décidé à mener une vie tranquille, monotone et égoïste, rythmé par les prises de médicaments et les bavardages avec son voisin, le semi-clochard Buddy (Jeff Daniels). Jusqu’au jour où il apprend d’une belle jeune femme venue lui demander son aide, Graciela (Wanda de Jesus), la provenance du cœur qui bat désormais dans la poitrine : c’est celui de la sœur de Graciela, froidement abattue par un braqueur. Malgré les conseils de son médecin (Angelica Huston), Mc Caleb décide de régler sa plus grosse dette, celle du sang, en retrouvant le meurtrier de sa " bienfaitrice ". Mais de banal braqueur, l’assassin se révèle une figure autrement plus complexe lorsque Mc Caleb découvre que ses crimes n’obéissent en rien au hasard.

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  Créances de sang (c) D.R.

Créance de Sang marque pour Eastwood un retour - qui sonne comme un ultime adieu ? - vers les contrées du thriller policier, laissé en jachère depuis La Relève (1990 quand même !). En adaptant l’auteur à succès Michael Connelly, Eastwood et son équipe travaillent dans un registre potentiellement rentable, loin d’une économie de film indépendant comme ce fut le cas avec leurs précédents travaux. En choisissant Créance de Sang (Blood work), c’est l’ouvrage de Connelly le plus paisible auquel s’attache Eastwood, loin de l’obsession du macabre et du sordide qui entache les plus grands best-sellers de librairie de ce ténor du " pulp " contemporain. L’adaptation de cet écrivain constitue en quelque sorte un juste retour des choses, les liens évidents qu’entretiennent les ouvrages de Connelly avec le mythe eastwoodien, en particulier les aventures de Dirty Harry, étant avérés.

Après Space Cowboys, Clint Eastwood poursuit donc son questionnement du vieillissement de sa propre figure héroïque. " Questionnement " n’est d’ailleurs pas le terme juste, tant Eastwood travaille non plus une déchirure entre l’idéal héroïque et les raisons de l’âge, comme il put le faire dans Impitoyable, film cathartique et sauvage, mais bien un apaisement, une sérénité presque narquoise face aux limites physiques accompagnant la vieillesse. Cette fois, c’est donc la figure de Harry Calahan, déjà passablement mise à mal dans l’inégal Sur la Corde Raide et littéralement mis à mort dans Sudden Impact, qui fait retour dans la silhouette décontractée et fragile de Terry Mc Caleb : un Harry donné comme réconcilié avec le monde, à même d’entamer une enquête en étant guidé par un souci altruiste. Il y a à ce propos chez Eastwood une véritable fascination pour le phantasme de mise à mort des personnages qui ont fait sa gloire, construisant film après film une réflexion formelle sur les modalités de monstration du retour : d’entre les morts, d’entre les genres. Dès lors la " mort " de Mc Caleb, dans une scène d’ailleurs absente du livre de Connelly, s’offre quasiment comme un gag, où la pugnacité attachée au personnage eastwoodien surgit par surprise pour le plus grand plaisir de ses spectateurs. Cette mort fantasmée qui clôturait traditionnellement ses derniers films s’offre ici comme un recommencement, la promesse d’un autre monde. Créance de Sang est ainsi empreint d’un romantisme salvateur, dans l’outrance des sentiments qu’il déploie, faisant sonner les échos assourdis de trahison grandiose et d’amour contre-nature.