SYNOPSIS :
Jack Torrance, gardien d'un hôtel fermé l'hiver,
sa femme et son fils Danny s'apprêtent à vivre
de longs mois de solitude. Danny, qui possède un don
de médium, le "Shining", est effrayé à
l'idée d'habiter ce lieu, théâtre marqué
par de terribles événements passés...
|
....................................................................
|
|
 |
|
|
Il est un vœux de
Novalis, dans Le Brouillon Général, que
Kubrick reprend merveilleusement à son compte en cette
année 1980 : " S’il y a une philosophie de
la vie, on peut également réclamer une philologie,
une mathématique - une poétique et une histoire
de la vie ", phrase sans doute inoffensive sinon
pour l’homme qui, plutôt que d’attendre que l’esprit
vienne à son art, vient " réclamer "
et imposer ses vues. Le malentendu qui entoure The Shining
aujourd’hui encore provient de l’espace existant entre l’attente
du spectateur, l’approche purement publicitaire du film produit
qui voudrait que celui-ci soit un film d’épouvante,
ou - pire encore - un film " intelligent "
ouvert au divertissement, et l’intention du réalisateur.
Car le cinéaste américain a créé
là, avec le premier volet de sa " trilogie
Steadycam ", une " poétique de
la vie " et pour ainsi dire un " art cinématographique
de la vie " comme il n’en existait pas auparavant,
un art qui, s’il séduit par le talent qui déploie,
sait également qu’il est le dépositaire de valeurs
bien supérieures au simple mouvement de l’image. Voilà
encore pourquoi The Shining s’amuse sans cesse de ses
propres ficelles, de la mise en abîme du créateur
empêché au pastiche du film de terreur, jusqu’à
nier son discours, jusqu’à établir sa propre
critique.
 |
|
|
|
Il faut aujourd’hui
s’interroger sur le fait que cette trilogie, par et pour l’image,
soit également celle qui aura été la
plus mal comprise par les grands médias, qui en sont
les principaux consommateurs. Et, effectuant de nouveau le
parcours de The Shining présenté comme
l’un des plus grands films de genre de l’histoire du cinéma,
à Full Metal Jacket (1987), peu ou prou l’un
des " grands films de guerre ", et jusqu’à
Eyes Wide Shut (1999), objet érotique, on comprend
que, du moins, des publicitaires à la critique, les
esprits n’ont pas toujours su appréhender l’immédiateté
du discours de Kubrick, car il n’y a rien à attendre
et tout à " réclamer " de
ce triptyque qui dispense le manifeste Kubrick-ien d’un art
transcendantal.
Dans The Shining, c’est l’image-même que le film
voudrait nous faire oublier, et la place de celui-ci comme
pur objet cinématographique et esthétique; si
tout est affaire de réminiscences visuelles - d’hallucinations
- nous dit Danny, alors nous sommes, spectateurs et personnages
mis au même niveau, en sécurité, tandis
que l’action convoque folie et rationalité dans une
même violence et une même claustrophobie. Car
qu’il s’agisse ici de visions mensongères, ou authentiques,
que l’énergie maléfique surgisse de la noirceur
de l’âme humaine, ou d’un monde de spectres, The
Shining montre la substance de l’image, sa matière,
hommage faussement morbide à l’art, et à sa
réalité.
|