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Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (c) D.R. LE CORPS CARTOON
CHEZ ROBERT ZEMECKIS
Par Cécile GIRAUD


Avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Zemeckis immergeait directement ses personnages dans un univers cartoonesque, et ses cartoons dans le monde (humain ?) du cinéma. L’interaction entre les deux mondes était explicite, les cartoons empreints d’humanité et inversement. Pourtant, ce n’est peut-être pas dans ce film que Zemeckis utilise le plus les propriétés du corps cartoonesque.

  Forrest Gump (c) D.R.

Tous ses films (ou presque) jouent sur la transformation du corps et sur ses capacités à défier les lois de l’espace, du temps et de la matière… Retour vers le futur, La mort vous va si bien, Forrest Gump, Seul au monde, Apparences… Le corps atteint les limites de l’humain, tend vers une dégradation physique intimement liée à son évolution mentale. Toujours le personnage lutte contre sa disparition du monde humain et surtout social, et devient pour cela de moins en moins humain. Forrest Gump est accepté au sein de la communauté dès lors où l’on découvre ses capacités de coureur hors du commun. Afin de posséder la jeunesse éternelle, les deux sœurs ennemies de La mort vous va si bien n’hésitent pas (ou à peine) à " vivre " à l’état de cadavre en décomposition, se camouflant sous d’épais maquillages, contraintes de s’entraider, de se soigner l’une l’autre à contre cœur. Elles défient le temps. Qu’ont-elles gardé d’humain, mis à part les apparences dont la couche d’une finesse prête à craquer à tout moment risque de dévoiler le véritable corps et l’âme de leurs habitantes.

Le corps dévoile l’âme, mais celle-ci est malheureusement mal perçue la plupart du temps. Les milliers de gens qui suivent inlassablement Forrest dans sa course autour du monde lui prêtent milles intentions, milles revendications, sans s’intéresser le moins du monde aux véritables causes et à sa personnalité profonde… La morte amoureuse d’Apparences prend en otage le corps de la femme du tueur afin de remonter à la surface des mémoires. Le jeu impressionnant de Michelle Pfeiffer basé essentiellement sur les traits de son visage toujours changeant, est soutenu par un morphing astucieux et très bien rendu avec le visage de la victime. Un doute s’immisce encore en nous : quel visage s’approche de nous ? L’un se transforme en l’autre sous nos yeux, mais comment être sûr de ce qu’ils nous disent ? Et brusquement le corps mort devient vivant et réel, palpable il EST à la place du corps vivant premier, et le corps premier devient un simple souvenir, une image. Deux temps se télescopent, Michelle Pfeiffer est à la fois présente dans ces corps mais elle en est aussi absente, puisque son esprit et son corps sont partagés entre deux âmes. Et les deux se dédoublent : le miroir nous renvoie un reflet absent, pendant qu’un corps disparu prend la place du corps présent téléporté dans le passé…

Retour vers le futur (c) D.R.

La question du temps est également et évidemment présente dans Retour vers le futur : alors que Marty n’existait pas en tant que corps (ni en tant qu’idée d’ailleurs) dans les années 50, il résiste au voyage dans le temps et le voilà matérialisé dans le passé, incarné et incarnat (Pierre Cardin, inventeur du rock n’roll), actualisant à la fois le présent dans le passé et inversement. Disparu dans le présent, comment peut-il encore être corporellement présent dans le passé, si l’idée même qu’il soit un jour créé n’est pas née ? La question ne se pose pas longtemps puisque le corps de Marty disparaît peu à peu dans l’invisible. On ne traverse pas le temps impunément.

Alors que dans le premier opus Marty faisait office de cartoon en chamboulant le passé par des idées, des musiques, des accessoires du futur, il est victime dans le second d’un monde cartoon, où un requin hologramme géant menace (virtuellement) de le dévorer, des vêtements auto-séchants, des skate-boards volants, le tout dans des couleurs acidulées… Cartoon ou jeu vidéo ? Ne soulevons pas la question. Marty est dans tous les cas un élément perturbateur comme peut l’être Roger Rabbit. A l’aise uniquement dans son monde et dans son temps.