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Minority Report (c) D.R.
MINORITY REPORT
De Steven Spielberg
Par Nicolas RICHARD



SYNOPSIS: A Washington, en 2054, la société du futur a éradiqué le meurtre en se dotant du système de prévention / détection / répression le plus sophistiqué du monde. Dissimulés au cœur du Ministère de la Justice, trois extralucides captent les signes précurseurs des violences homicides et en adressent les images à leur contrôleur, John Anderton, le chef de la "Précrime" devenu justicier après la disparition tragique de son fils. Celui-ci n'a alors plus qu'à lancer son escouade aux trousses du "coupable"...

Mais un jour se produit l'impensable : l'ordinateur lui renvoie sa propre image. D'ici 36 heures, Anderton aura assassiné un parfait étranger. Devenu la cible de ses propres troupes, Anderton prend la fuite. Son seul espoir pour déjouer le complot  : dénicher sa future victime ; sa seule arme : les visions parcellaires, énigmatiques, de la plus fragile des Pré-cogs : Agatha.


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L’ECOLE DU SPECTATEUR

  Minority Report (c) D.R.

Minority Report (d’après une nouvelle de Philip K. Dick) est un film de science-fiction produit par Dreamworks, la société de production de Spielberg. Tom Cruise joue  le rôle de John Anderton, détective à Précrime, organisation policière qui lutte contre la criminalité grâce à l’utilisation d’êtres capables de prévoir la culpabilité ou l’innocence, les Pré-cogs. Tom Cruise se retrouve lui-même dans une prévision, il va devoir fuir  ses anciens collègues et mener une enquête pour se disculper de ce qu’il n’a pas encore fait. Il ne pourra compter que sur Agatha, la plus douée des Pré-cogs. On assiste donc à la chute du héros qui descend dans les bas-fonds de la cité dans laquelle il faisait auparavant régner la loi. Le parcours de Tom Cruise, qui passe par la déformation de son corps (chirurgie, enlaidissement) et la reconquête du bonheur conjugal, a pour objectif non pas de savoir qui il est mais qui il va devenir : qu’est-ce qui va le pousser à commettre ce crime ?

Minority Report, à la manière de Blade Runner de Ridley Scott, crée un futur ancré dans un quotidien à la fois contemporain (la pluie, la saleté, la pourriture, notamment dans la séquence  avec le chirurgien) et archaïque (le métier de prophétie est l’un des plus vieux du monde). Ceci n’exclut pourtant pas une frénésie publicitaire de technologie où se réalise la fusion entre la mode et le moderne (voir les publicités pour Nokia, Lexus). Mais le film intègre lui-même cette critique, notamment par  cette idée de l’impossible anonymat de l’individu dans la ville, à chaque fois identifié en tant que consommateur par un scanner de ses yeux.

Minority Report (c) D.R.

Le schéma narratif du film, solidement classique, le rend efficace, c’est-à-dire qu’on s’intéresse à ce personnage et à cette histoire au-delà de la surenchère des images. La première séquence du film impressionne par sa prolifération d’images. On voit Tom Cruise debout en train de faire le tri dans une série d’images  superposées. Ce sont les images de prévision d’un crime générées par les Pré-cogs. Il ne s’agit plus de paroles oraculaires mais d’images oraculaires qui annoncent le crime et en montrent sa réalisation. L’objectif des policiers de Précrime est d’empêcher l’actualisation de ce crime, qui intervient dans un délai plus ou moins éloigné de la production des images. Cette première séquence du film pose l’enjeu : que faire de telles images et comment vivre avec ? Et d’une manière plus générale : que faire face à cette prolifération des images ? L’image, dès le début, est clairement assimilée à une drogue dont il faut se défaire, en particulier dans les scènes où Tom Cruise, seul dans son appartement, se drogue devant des images d’un bonheur familial passé. Toute l’histoire du personnage va donc être de se libérer des images. Le film distingue deux catégories d’images : celles des prévisions qui se regardent et se déchiffrent debout, et celles qui se regardent assis chez soi et montrent un univers familial. En ce sens, les plans les plus importants du film se trouvent à la fin. On peut considérer que l’achèvement scénaristique des vingt dernières minutes (découvrir le véritable méchant de l’histoire) est un peu faible étant donné qu’on a rapidement deviné le personnage suspect du film, mais l’enjeu se situe ailleurs : il s’agit de montrer les locaux vides de Précrime. La fabrique à image ne produit plus d’images prévisionnelles. Le film devait évacuer, épuiser toutes les images proliférantes du début. Apparaît dans les derniers plans l’image d’un bonheur conjugal retrouvé. Mais cette dernière image, qui intervient à la toute fin, semble tant convenue qu’elle prend un poids inédit : pourquoi ne pas mettre en doute cette image de bonheur ? Le personnage de Tom Cruise au cours du film n’a cessé dans un même mouvement d’interroger les images et de s’en déprendre, pourquoi croire à cette image de bonheur plutôt qu’aux autres ? Cette fois, c’est donc au tour du spectateur de mettre en doute l’image. Le film peut se lire comme un véritable apprentissage du regard face aux images. C’est la force du dispositif du film que de jouer sans retenue avec ce qu’il interroge : les effets spéciaux / spécieux, la croyance aux images, la fascination qu’elles exercent.