SYNOPSIS: A
Washington, en 2054, la société du futur a éradiqué le meurtre
en se dotant du système de prévention / détection / répression
le plus sophistiqué du monde. Dissimulés au cœur du Ministère
de la Justice, trois extralucides captent les signes précurseurs
des violences homicides et en adressent les images à leur
contrôleur, John Anderton, le chef de la "Précrime"
devenu justicier après la disparition tragique de son fils.
Celui-ci n'a alors plus qu'à lancer son escouade aux trousses
du "coupable"...
Mais un jour se produit l'impensable : l'ordinateur lui renvoie
sa propre image. D'ici 36 heures, Anderton aura assassiné
un parfait étranger. Devenu la cible de ses propres troupes,
Anderton prend la fuite. Son seul espoir pour déjouer le complot
: dénicher sa future victime ; sa seule arme : les visions
parcellaires, énigmatiques, de la plus fragile des Pré-cogs
: Agatha.
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L’ECOLE
DU SPECTATEUR
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Minority Report
(d’après une nouvelle de Philip K. Dick) est un film de science-fiction
produit par Dreamworks, la société de production de Spielberg.
Tom Cruise joue le rôle de John Anderton, détective à Précrime,
organisation policière qui lutte contre la criminalité grâce
à l’utilisation d’êtres capables de prévoir la culpabilité
ou l’innocence, les Pré-cogs. Tom Cruise se retrouve lui-même
dans une prévision, il va devoir fuir ses anciens collègues
et mener une enquête pour se disculper de ce qu’il n’a pas
encore fait. Il ne pourra compter que sur Agatha, la plus
douée des Pré-cogs. On assiste donc à la chute du héros qui
descend dans les bas-fonds de la cité dans laquelle il faisait
auparavant régner la loi. Le parcours de Tom Cruise, qui passe
par la déformation de son corps (chirurgie, enlaidissement)
et la reconquête du bonheur conjugal, a pour objectif non
pas de savoir qui il est mais qui il va devenir : qu’est-ce
qui va le pousser à commettre ce crime ?
Minority Report, à la manière de Blade Runner de Ridley
Scott, crée un futur ancré dans un quotidien à la fois contemporain
(la pluie, la saleté, la pourriture, notamment dans la séquence
avec le chirurgien) et archaïque (le métier de prophétie est
l’un des plus vieux du monde). Ceci n’exclut pourtant pas
une frénésie publicitaire de technologie où se réalise la
fusion entre la mode et le moderne (voir les publicités pour
Nokia, Lexus). Mais le film intègre lui-même cette critique,
notamment par cette idée de l’impossible anonymat de l’individu
dans la ville, à chaque fois identifié en tant que consommateur
par un scanner de ses yeux.
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Le schéma narratif
du film, solidement classique, le rend efficace, c’est-à-dire
qu’on s’intéresse à ce personnage et à cette histoire au-delà
de la surenchère des images. La première séquence du film
impressionne par sa prolifération d’images. On voit Tom Cruise
debout en train de faire le tri dans une série d’images superposées.
Ce sont les images de prévision d’un crime générées par les
Pré-cogs. Il ne s’agit plus de paroles oraculaires mais d’images
oraculaires qui annoncent le crime et en montrent sa réalisation.
L’objectif des policiers de Précrime est d’empêcher l’actualisation
de ce crime, qui intervient dans un délai plus ou moins éloigné
de la production des images. Cette première séquence du film
pose l’enjeu : que faire de telles images et comment
vivre avec ? Et d’une manière plus générale : que
faire face à cette prolifération des images ? L’image,
dès le début, est clairement assimilée à une drogue dont il
faut se défaire, en particulier dans les scènes où Tom Cruise,
seul dans son appartement, se drogue devant des images d’un
bonheur familial passé. Toute l’histoire du personnage va
donc être de se libérer des images. Le film distingue deux
catégories d’images : celles des prévisions qui se regardent
et se déchiffrent debout, et celles qui se regardent assis
chez soi et montrent un univers familial. En ce sens, les
plans les plus importants du film se trouvent à la fin. On
peut considérer que l’achèvement scénaristique des vingt dernières
minutes (découvrir le véritable méchant de l’histoire) est
un peu faible étant donné qu’on a rapidement deviné le personnage
suspect du film, mais l’enjeu se situe ailleurs : il
s’agit de montrer les locaux vides de Précrime. La fabrique
à image ne produit plus d’images prévisionnelles. Le film
devait évacuer, épuiser toutes les images proliférantes du
début. Apparaît dans les derniers plans l’image d’un bonheur
conjugal retrouvé. Mais cette dernière image, qui intervient
à la toute fin, semble tant convenue qu’elle prend un poids
inédit : pourquoi ne pas mettre en doute cette image
de bonheur ? Le personnage de Tom Cruise au cours du
film n’a cessé dans un même mouvement d’interroger les images
et de s’en déprendre, pourquoi croire à cette image de bonheur
plutôt qu’aux autres ? Cette fois, c’est donc au tour
du spectateur de mettre en doute l’image. Le film peut se
lire comme un véritable apprentissage du regard face aux images.
C’est la force du dispositif du film que de jouer sans retenue
avec ce qu’il interroge : les effets spéciaux / spécieux,
la croyance aux images, la fascination qu’elles exercent.
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