La trilogie de Lucas Belvaux, Un couple épatant, Cavale, Après la vie, est sur les écrans depuis janvier 2003. Dominique Blanc y tient le rôle d’Agnès, enseignante, toxicomane, épouse de Pascal, un officier de police. Dominique Blanc interprète aussi jusqu’à la fin du mois d’avril 2003, à Paris, aux Ateliers Berthier, Phèdre de Jean Racine dans une mise en scène de Patrice Chéreau.

Après la vie raconte dans son intégralité l’histoire d’Agnès et de Pascal, deux êtres meurtris, follement amoureux l’un de l’autre. Pascal, contraint et forcé, cesse d’approvisionner sa femme en morphine. Débute, alors, une lente descente aux enfers.

Agnès est en manque. Son corps est pétri de douleur. Régulièrement, elle passe d’un état à l’autre. Sa raison vacille. Elle est assaillie par la culpabilité. Les dialogues de la séquence 53 du scénario, à ce sujet, sont éloquents : Pascal, sur l’ordre d’un juge d’instruction, a placé une collègue d’Agnès en garde à vue. Agnès somme son mari de la relâcher. “ Tu ne comprends pas que c’est moi qui passe pour une conne. ” Il refuse… Elle l’interpelle avec véhémence : “ Je n’ai jamais pu compter sur toi. Jamais ”, puis elle se reprend : “ Excuse-moi. Je ne pensais pas ce que je t’ai dit, c’était pour te faire chier. J’ai besoin de toi, j’ai toujours eu besoin de toi. - Ce n’est rien. - Si, excuse-moi, c’est parce que je suis mal, mais ça va aller, ça va aller. Excuse-moi. ”. Puis la violence, à nouveau, affleure : “ Regarde-moi. Qu’est-ce que je t’ai fait ? - Rien. - Si, tu me fais payer quelque chose, je suis sûre que tu me fais payer quelque chose. Je ne sais pas ce que je t’ai fait mais je m’excuse, je m’excuse. ” Agnès n’en finit pas de s’excuser (d’être dépendante, de se détruire, de mal aimer, de vivre).

On connaît la trame de la pièce de Racine. Phèdre est l’épouse de Thésée. On annonce la mort de ce dernier. Phèdre déclare sa flamme à son beau-fils Hippolyte qui, lui, aime Aricie. Thésée réapparaît. Sur les conseils d’Œnone, pour sauvegarder son honneur, par dépit, Phèdre s’enfonce dans le mensonge. Elle s’en repent, trop tard. Hippolyte meurt.

Dernièrement, sur France-Inter, au cours de l’émission L’Humeur vagabonde de Kathleen Evin, Dominique Blanc déclarait : “ La solitude et la fragilité réunissent mes deux personnages (Agnès et Phèdre). A propos de Phèdre, elle disait aussi : “ C’est une amoureuse avant tout. Elle cultive le désir d’amour, le désir de mort. Elle est dévorée par la culpabilité. ”

Vouloir rapprocher Phèdre et Après la vie à tout prix serait aussi vain qu’illusoire. Cependant, la lecture simultanée du scénario du film et du texte de la pièce laisse entrevoir l’improbable. Brusquement, les deux œuvres “ se télescopent ”. Les images de Belvaux (un plan très court et silencieux) se substituent aux vers de Racine (et réciproquement). Cette rencontre totalement involontaire, fugace, constitue un moment particulièrement troublant.