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Sailor et Lula (c) D.R.
Car l'une des choses les plus importantes sans doute dans le travail sonore des films de Lynch, c'est la présence quasi permanente des signes d'une mémoire perdue du monde musical des années 50. Ses meilleurs films sont traversés par ces éclairs, ces réminiscences d'un Eden oublié du rock'n roll où dorment les fantômes de Buddy Holly, Sam Boy Williamson, Eddie Cochran ou même Jimmie Rodgers. Comme un signe de reconnaissance qui serait autant un signe de ralliement, c'est le son cristallin et sur-réverbéré d'une guitare Guild (ou Gretsch on ne sait pas trop) qui revient comme un vieux rêve glorieux dans beaucoup de films (c'est d'ailleurs souvent Lynch qui tient lui-même le manche). Ces pretty fifties qu'il a sans doute tellement aimées, alors qu'il n'était pas en âge de les comprendre, elles reviennent à travers des bribes de musiques, un son, pur et débauché à la fois, qu'on retrouve dans des vieux standards que Judy Garland devait chanter entre deux milk-shakes.
Ces fifties sont comme le rêve éveillé d'une Amérique toujours perdue dans les souvenirs bon marchés de son adolescence, Amérique des coffe-shop, des disques Sun, du western, des drive-in et des Tucker. Quand John Waters n'y voit que le grotesque de l'apparat cachant le vide et la médiocrité, David Lynch, lui, y voit une raison de désespérer du présent, une terre promise irriguée par le rêve et la fiction. Les fifties avec leur phosphorescente brillance, leur musicalité débridée, leur absence de goût élevé au rang d'art suprême, sont le matériau mnésique essentiel de ses films : dans Sailor et Lula la clé finale du film c'est l'histoire du magicien d'Oz ; dans Blue Velvet c'est une chanson ; un film sur les années 50 dans Mulholland Drive.

Mais qu'on ne s'y trompe pas. Cette présence des fifties n'est jamais une reconstitution objective ; si elle est fidèle, c'est seulement à l'image que l'ado Lynch s'en est faite dans son musée imaginaire. Ses pretty fifties nous sont projetées à travers son prisme déformant. Les rock'n roll et jazz urbains façon art-déco qui traversent ses bande-sons restent des projections mentales, des fantasmes de jazz et de rock fuselés par Badalamenti qui sait fort bien retourner une mélodie pour en extraire l' aspect weird cher au réalisateur.
Pour exemples : le thème de Rita est joué par un orchestre philharmonique (de la ville de Prague) mais le traitement sonore est tel qu'on croirait entendre des nappes de synthé. Comme si Badalamenti cherchait à donner à l'orchestre le côté lisse et coruscant propre aux cordes numériques, cet aspect recolorisé qui n'est pas sans lien avec la dimension un peu cheap de certain de ses thèmes. Qu'on se souvienne du thème de Twin Peaks, avec son anatole (cadence ultra-classique d'accords) tout droit sorti d'une ballade rock'ab : il produit toujours son effet nostalgique, car il contient déjà en lui-même cette nostalgie qui le fait tenir et ne le laisse pas sombrer dans la pire guimauve. C'est une nostalgie d'une époque perdue dont les vestiges ne sont plus que des signes vaguement collectifs, vaguement identifiables : hairspray et moleskine, juke box et college attitude.

  Twin peaks (c) D.R.
On sait que tout Twin Peaks (comme presque tout Lynch) repose sur le chiasme de l'ombre dans la pleine lumière : Laura Palmer, jolie ado adulée, miss Twin Peaks, était en fait rongée de vices et de douleurs. Dans le fabuleux Blue Velvet, la petite ville provinciale, ensoleillée et doucereuse, abrite sans le savoir le pire des sadismes et la terreur. On retrouve bien sûr tout ça dans la musique qui est toujours à la limite de basculer. Son apparente innocence cache bien plutôt une agitation inconsciente. A ce titre l'utilisation faite dans Mulholland Drive d'un standard de la musique américaine, I've told every little star de Kern et Hammerstein, littéralement massacré par Linda Scott, dans une version drugstore song façon sucre candi, est significative de l'importance que Lynch donne à chacune des musiques utilisées : ici, la chanson sert à un casting pour un film sur les années 50. La séquence est l'un des nombreux points nodaux d'un film à multiple entrées : la blonde Betty, à qui l'on offre la possibilité de passer le casting, part du studio pour porter secours à la brune Rita. Ce faisant, elle échappe à l'un de ses destins possibles, au profit d'un autre qui s'avèrera fatal.
Dans sa recherche de la bande-son parfaite, David Lynch affronte directement ses fantômes, c'est-à-dire tous ses rêves d'enfant ; la musique parle immédiatement à l'âme ; elle permet d'évoquer des sensations et des idées, jusqu'à parfois vous faire regretter une époque et un monde que vous n'avez pas connu ; ce que le visuel aura plus de mal à faire, étant plus frontal.

Serge Daney disait en parlant de Nostalgia, que Tarkovski réussissait à nous parler depuis un Moyen-Âge improbable, un temps du rêve en quelque sorte. Si aujourd'hui Lynch est un grand cinéaste, c'est qu'il est le seul à recréer de toutes pièces un réel impossible, mais aussi par la musique et le son, à le faire réellement exister.
On pourrait en définitive voir dans son obsession de la musique des fifties qui taraude son œuvre comme une taupe sous la terre creuse des galeries, une volonté de nous faire croire en un monde du rêve animé du désir de retrouver une origine perdue, un monde du souvenir réactivé par la fiction, un monde de l'art en somme.

 





... des BO de films avec la Fnac

La BO de Mulholland Drive
La BO de Une histoire vraie - The Straight Story
La BO de Lost Highway
La BO de Twin Peaks (La série)
La BO de Twin Peaks (Le film)
La BO de Blue Velvet
La BO de Dune
La BO de Elephant Man - The Elephant Man
La BO de Eraserhead - Labirynth Man
La BO de Sailor et Lula - Wild at Heart