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RETROSPECTIVE
JOHAN VAN DER KEUKEN

Compte-rendu
Par Benjamin BIBAS


POUR DEUX MONDES

On ne présente plus guère Johan Van der Keuken, célébrissime documentariste néerlandais décédé en janvier 2001 et dont l’œuvre pléthorique, si elle pouvait se résumer, le définirait comme un véritable explorateur : explorateur du monde (son film testament, Vacances prolongées, le mène en 2000 du Brésil au Burkina Faso, du Bhoutan à San Francisco…) ; explorateur des luttes politiques et révolutionnaires (on citera entre autres Les Palestiniens, 1975) ; enfin explorateur de formes, toujours en quête d’innovations en matière d’écriture cinématographique (voir notamment Amsterdam Global Village, 1996).



  Objectif Cinéma (c) D.R.

Dans une rétrospective partielle qu’elle lui consacre au mois de novembre (1), l’association Documentaire sur grand écran a concocté plusieurs programmes inédits en France. L’un d’eux réunit l’étonnant court métrage noir et blanc Le Chat (1968) et, troisième volet de la trilogie Nord-Sud après Journal (1972) et La Forteresse blanche (1973), le très stimulant Le Nouvel âge glaciaire (1974). Un film en forme de symphonie jazz où, sur l’envoûtante musique free du saxophoniste Willem Breuker, se succèdent les images misérables de la condition ouvrière dans les usines minières du Pérou et celles, non moins misérables, des jeunes travailleurs de l’industrie agro-alimentaire néerlandaise des années 70.

Pour le critique Fabrice Revault d’Allonnes, venu présenter la séance d’ouverture de la rétrospective, Le Nouvel âge glaciaire se situe à un moment charnière de l’œuvre du cinéaste. 1974 est d’abord l’année où Van der Keuken accède à la reconnaissance internationale, via notamment les articles parus dans Les Cahiers du cinéma. Mais elle est surtout celle où il se détourne d’un « discours engagé, marxisant » pour commencer à élaborer une « recherche plus exclusivement formelle ». Exemple de cette écriture nouvelle qui se met encore au service d’une cause sociale, la forte prégnance du son et son utilisation au montage. Le bruit des roulements du train, celui des machines dans les usines, restent parfois en fond sonore continu ; tandis qu’à l’image, un fondu enchaîné d’un paysage andin à un champ de tulipes, d’un four sidérurgique à une autre machine (container de crèmes glacées), aménage une transition quasi-imperceptible entre deux univers et illustre, malgré les différences géographiques criantes, les similitudes de la condition ouvrière.