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Shohei Imamura (c) D.R. SHOHEI IMAMURA A LA
CINEMATHEQUE FRANCAISE

Et la fureur du désir nous envahit
Par Cécile GIRAUD et Nadia MEFLAH
 

Tout le mois de novembre à Paris, aux abords de la Seine au Palais Chaillot (palais des goûts érotiques…) fut pour certains cinéphiles curieux, amateurs de cinéma nippon ou tout simplement hommes et femmes en quête des sens (essence essentielle…), le temps de la frénésie, mais aussi du choc sensuel, allié à la spiritualité. Rencontre frontale avec un homme cinéaste et ce qu'il regarde, filme, ausculte et décortique depuis plus de quarante ans. Son premier long-métrage Désirs Volés en 1958 donne le la d'une filmographie relativement peu connue jusqu'au début des années 80. Le grand public reconnaît véritablement le cinéaste lors de sa deuxième consécration cannoise en 1997 pour L'Anguille (la première palme d'or fut pour le récit sublime de La Ballade de Narayama en 1983). Aussi cet hommage à ce jeune cinéaste de 75ans est-il plus que le bienvenu. Son dernier film à l'affiche, De l'eau tiède sous un pont rouge, au regard des entrées salles, semble confirmer sa présence auprès d'un plus large public.

  De l'eau tiède sous un pont rouge (c) D.R.

Petit rappel des faits : Shohei est né à Tokyo le 15 septembre 1926 d'un père médecin (un personnage récurrent de son cinéma - souvenez-vous du docteur qui coure encore et toujours dans Kanzo senseï en 1997). Il perd l'un de ses deux frères aînés lors de la deuxième guerre mondiale. Il est écrit dans ses biographies qu'il fréquenta les milieux mal famés du marché noir, de la prostitution et de la truanderie. Le spectateur retrouve ce monde d'en bas dans ces films, notamment Cochons et gangsters en 1961 ou Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar en 1970, entre autres. Il suivra durant près de 6 ans une formation intellectuelle et universitaire à l'histoire occidentale, tout en jouant au théâtre comme comédien, mais aussi auteur de pièces, avec notamment Shoichi Ozawa (dans Désir inassouvi en 1958, Kazuo Kitamura (le vieil homme Taro dans son dernier film) et Takeshi Kato (trois comédiens qui seront aux premiers plans de ses films futurs). C'est en 1951 qu'il entrera de plain-pied dans le cinéma comme assistant-réalisateur à la Shochiku, auprès d'Ozu, Kobayashi et Nomura. Il quitte ce grand studio japonais trois ans plus tard pour intégrer la Nikkatsu. Son premier film sera Désirs Volés / Nusumareta Yokubo en 1958. En 1965, il crée sa propre compagnie de production indépendante, Immamura Productions, une première au Japon. Dix ans plus tard, il fonde une école de cinéma, l'Institut de Cinéma et de Télévision à Kawasaki, devenu depuis l'Académie Japonaise des Arts Visuels, qu'il préside toujours.

The Eel (c) D.R.

Imamura nous livre sans conditions un cinéma viscéral et violent. Proche du corps, des corps, allant même jusqu'à approcher son intérieur : que cache cette couche superficielle poreuse ? De simples ossements ou une âme, en tout cas un mystère. A quoi sert ce corps ? Inutile dans La Ballade de Narayama ? Essentiel dans De l'eau tiède sous un pont rouge ?
Le corps doit être présent pour les rapports charnels, pour travailler, non pour l'immobilité : le corps âgé et patient devient transparent, simple objet quotidien. Sans fonction, la raison dit de l'éliminer. Volontairement objétisé, on ne comprend pas sa raison d'être. Mais plus qu'un corps, objet sexuel ou nourrissier, l'humain est esprit, et le mutisme dans lequel il s'enferme est moins le témoin d'une végétation inutile que d'une accession au spirituel. Le corps parlant dit : " Je ne suis pas qu'un corps ", sans être entendu. Le corps muet le fait comprendre. Le corps absent dénonce le vide qu'il laisse, le manque dont nous n'avions pas conscience. Ce corps est la source d'une atmosphère étrange, voire surnaturelle, disons spirituelle. Assise, bouche et yeux clos, parmi les ossements de ses prédécesseurs, la grand-mère de La Ballade semble flotter, n'être plus qu'esprit en accord avec les Dieux, commandant aux éléments. Dans La Vengeance est à moi, la jeune-femme sacrifie son corps aux côtés d'un maniaque assassin. Dans De l'eau tiède sous un pont rouge, la femme évacue des flots d'une eau miraculeuse, source de vie. Il semble bien que l'esprit s'associant au corps soit l'apanage de la femme chez Imamura. L'homme, au contraire profite de son corps en tant que pure matière. Le corps est indéniablement présent à l'image, se dévoilant tout entier, moins dans le dernier opus. La sensualité montrée, les corps s'unissant dans la pénombre et la moiteur est moins belle que violente, voire malsaine. L'image est agressive, le corps morcelé en gros plan où les grains de la peau sont presque visibles. Le corps est témoin d'un état, utilisé dans toutes ses possibilités, et aussi transformé. On ne considère pas une femme vieille tant qu'elle n'a pas les dents cassées : elle y remédie. Le cadet de la famille n'a pas le droit aux rapports charnels, il s'écarte de l'humain... Le Bien et le Mal sont des notions qui deviennent de plus en plus abstraites, l'interdit est constamment transgressé. Tout est relatif, même le corps, qui étonne et se transforme.



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Cinématheque Chaillot

7, avenue Albert de Mun
75116 Paris
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Tél : 01 56 26 01 01
Site web : http://www.cinemathequefrancaise.com