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Auteur de deux films sur
Mohammed Ali, William Klein n’était pourtant pas un
photographe de sport, mais plutôt d’événements
culturels ou sociaux (mais les deux vont souvent de pair).
Préférant le vif au mort (comprenez le mouvement
à la pose ou l’inanimé), bien que quelques-unes
de ses photos fassent état d’essais géométriques
sous la forme de natures mortes (une bouche d’égout
par exemple), mais bien moins fascinantes que le mouvement
des foules manifestantes ou des bals de débutantes.
L’humain est le mouvement. Et paradoxalement (?), le mouvement
est photographique, magnifiquement rendu par les courbes irrégulières
que forment la première ligne d’une manifestation ou
les flous colorés des robes des défilés.
La photo de William Klein ne semble pas exister sans mouvement,
et c’est sans doute sa particularité. Ce qui est animé
est rendu net, mais la pose statique des jeunes filles deviendra
étrangement floue, leur rendant un aspect aérien
qu’elles peuvent prendre lors du tournoiement de la valse.
Ainsi, William Klein photographie
tout événement, sans se soucier des classes
sociales dans lesquelles il se fond, mais faisant mine de
les rassembler. Pourtant, tout cela n’est pas indifférent,
et un étrange montage nous attend dans la première
salle d’exposition. Une grande partie des photos exposées
sont montées les unes aux autres par couples :
l’une à l’envers, l’une à l’endroit, et forment
alors un ensemble coloré aux limites de l’abstraction.
On peut alors divaguer sur les raisons de ces associations,
qui paraissent tantôt pertinentes, tantôt mystérieuses.
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Les opposés sont
donc au centre de l’œuvre du photographe comme de celle du
cinéaste. Ou plutôt l’endroit et l’envers du
décor, comme en témoigne le film Qui êtes
vous Polly Magoo, qui traite à la fois de la mode,
de la télé, bref, des médias exhibitionnistes.
Une étrange complémentarité se révèle,
d’abord entre les photos, mais également entre l’œuvre
photographique et l’œuvre filmique. Car si la photo est mouvement,
les images cinématographiques de William Klein semblent
bizarrement inanimées.
Une émission de télévision
baptisée " Qui êtes vous… ",
dirigée par un Jean Rochefort comme vous ne l’avez
jamais vu, tente de faire le portrait d’un mannequin en vogue :
Polly Magoo. Nous suivons donc Polly dans les défilés,
chez elle, un petit studio qui pourrait être celui d’une
étudiante. A la couleur des photos viennent s’opposer
le noir et le blanc. Mais loin de vouloir estomper les traits
par le gris, William Klein appuie, joue du noir et blanc en
grimant Polly à outrance : ses cheveux (en fait
une perruque) contrastent avec sa peau blanchie qui semble
renvoyer la lumière jusqu’à la surexposition.
Le visage de Polly est comme dessiné au pochoir, animé
par des yeux charbonneux, semblables aux ailes d’un corbeau.
Immuable, son visage est le même dans les défilés
ou dans la rue. Ce n’est qu’en la suivant hors du tournage
que le réalisateur amoureux ne nous permettra de découvrir
une Polly à l’endroit, comme si nous passions du négatif
au positif : cheveux blonds et yeux clairs, elle est
presque méconnaissable. Ainsi, Klein nous donne à
voir les deux faces de Polly sans jamais nous donner la transition.
Nous passons de l’une à l’autre brutalement, comme
un musée nous fait passer d’une photo à l’autre,
comme le photomontage de l’exposition nous propose un négatif
et un positif possibles.
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