Il faut ce méfier
d’un Dieu blessé ; on le croit fatigué,
abattu, sur la fin d’une époque glorieuse. En face,
on se raconte des histoires, la victoire semble acquise. Et
pourtant. Certains étaient dans le vol retour tandis
que d’autres se préparaient, en toute modestie, sans
manifestation, pour le sacre final de quintuple champion du
monde de football. Oui mais voilà, le football brésilien,
tout le monde en a entendu parler. C’est une vieille connaissance.
On ne peut pas en dire autant de son cinéma.
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Depuis que certains cinématographes
des frères Lumières ont atterri à Rio
au début du 20ème siècle,
il se tourne régulièrement des films dans ce
beau pays. Il y a eu l’époque du cinéma Novo,
juste après la nouvelle vague, et puis après
…. On a un peu de mal à situer. Il faut dire que les
films provenant d’Amérique du Sud sont très
peu distribués en France ; si vous êtes
aux Etats-Unis, Rio n’apparaît même pas sur votre
carte. Les efforts de festivals tels ceux de la Cita à
Biarritz, le festival de Toulouse, celui des Trois continents
à Nantes permettent aux spectateurs français
de rencontrer annuellement des cinématographies peu
diffusées. Si vous êtes à Paris, l’espoir
s’appelle ID distribution, qui a sorti en salles Eu, tu,
eles d’Andrucha Washington, entre autres, et bientôt
vous permettra de découvrir O Invasor de Beto
Brant, le meilleur film de l’année. Avec une production
annuelle de 30 films environ, tous genres confondus, le nombre
de bons films demeure faible, loin encore des prétentions
à une sélection cannoise.
Il y a des années
où tout marche. Les Brésiliens vous diront :
graças a Deus. Plus sûrement, la sélection
officielle hors compétition de Cidade de Deus
doit surtout au talent de son réalisateur, Fernando
Meirelles. La cité de Dieu autrement dit Rio de Janeiro,
raconte sur trois décennies : 1960-1970-1980,
l’histoire de différents personnages au sein d’une
favela. Filmée au plus près, la violence s’infiltre
partout, s’exprime dans les gestes, surgit dans les paroles,
déborde la pellicule. Le réalisateur prend le
temps de montrer l’évolution d’une favela. Il nous
explique comment, au fil des décennies, elle devient
un véritable labyrinthe à l’intérieur
duquel les maisons se superposent comme ses habitants, vivant
dans une pauvreté qui favorise et multiplie les incidents,
alimente et développe les rivalités entre jeunes
dont l’avenir est peu évoqué … Que faire ?
… Qu’y faire ? Le personnage principal se passionne pour
la photographie et décide d’en faire son métier,
tout en étant exploité par un journal local
qui voit en lui la possibilité de savoir ce qui se
passe dans la favela. Cette favela, comme toutes celles du
Brésil, est un lieu fermé dans laquelle seuls
les habitants peuvent pénétrer sans craindre
pour leur vie. Le ton est survolté. Le spectateur a
du mal à reprendre son souffle. Les plans s’enchaînent
avec une très grande habileté.
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Le détenteur des
droits du film était aux anges, le film ayant été
bien accueilli, au point que les journalistes américains
le voient déjà nommé pour les oscars
du meilleur film étranger, l’année prochaine.
Les joies de ce distributeur ne faisaient que commencer puisque
quelques jours plus tard était projeté un autre
de ses films, Madame Sata de Karim Ainouz à
Un Certain Regard. De plus, il enregistre avec satisfaction
le renouvellement du contrat d’exclusivité pour la
distribution des films Miramax au Brésil.
Le Brésil était
aussi représenté, bien entendu, par Walter Salles,
membre du jury du Festival. Et puis il y a eu le Brésilien
que personne n’attendait : étudiant de l’UFF (Université
Fédérale de Fluminense) à Rio, Eduardo
Valente, avec son court métrage Sol Alejandro
qui a remporté le prix de la Cinéfondation,
présidée cette année par Martin Scorsese.
Après une période
de quasi-absence, l’année 2002 est, en termes de représentativité,
de visibilité tant institutionnelle que créative,
une année importante pour le cinéma brésilien.
La mise en route de l’Ancine (comparable à notre CNC)
devrait lui permettre d’exister encore un peu plus et de se
frayer un plus large chemin auprès de son propre public
mais aussi auprès du public européen.
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