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D'ailleurs et d'ici - Palestiniens/Israeliens - Que peut le cinéma ? (c) D.R. D’AILLEURS ET D’ICI
PALESTINIENS - ISRAELIENS

Que peut le cinéma ?

26 mars – 1er avril 2003
Cinéma
Les Trois Luxembourg
Paris
 


Cette semaine est dédiée à tous ceux, Palestiniens et Israéliens, qui chacun à leur manière, dans leur refus, dans leurs actes de tous les jours, dans leurs écrits ou dans leurs films ont le courage de dire NON, non à la violence injustifiée, non à l’humiliation de l’autre et OUI à la paix et au droit d’exister dans la dignité.


Au printemps de 1976, dans le cadre du Festival International d’Art Contemporain de Royan, dont j’assumais la direction de la section cinéma, première plate forme en Europe consacrée au Cinéma du Tiers Monde, je réussis à réunir pour la toute première fois des cinéastes israéliens et palestiniens oeuvrant pour la reconnaissance mutuelle des deux peuples à vivre en paix côte à côte, dans la perspective de deux états indépendants et souverains. Cela répondait en moi à un besoin irrépressible d’exprimer dans ma mentalité de militante ma propre personnalité, fruit d’un parcours complexe et difficile. Disons qu’au départ, c’est l’histoire d’une toute petite fille confrontée brutalement à l’injustice et à l’horreur, dont le plus grand traumatisme à été la mort de ses parents en 1942. Je me suis par la suite toujours sentie plus proche des humiliés que des nantis. Ces simples données font de moi, avant même tout choix personnel, le type de la " juive selon Sartre " : je ne me sens rattachée à la judéité ni par des liens religieux, ni par des sentiments nationalistes ; je ne suis ni sioniste, ni croyante, et cependant je me sens juive dans la mesure où les juifs ont souvent constitué une minorité type de par leur histoire. J’ai vécu dans mon être physique et moral la réalité de cette appartenance à une minorité. Je considère mon appartenance à cette minorité comme une responsabilité qui a dicté toute ma ligne de vie. Elle pouvait aboutir à un choix d’essence nationaliste, dans ce cas le sionisme, ou bien à une solidarité militante avec les peuples opprimés du monde, que l’oppression soit ethnique, sociale ou économique. C’est cette deuxième voie qui s’est imposée à moi, démarche cohérente pour la femme, la juive, la marxiste que je suis. Je n’ai jamais varié sur mon refus de toute structure étatique basée sur des notions de race et de religion. Et toute injustice, l’ayant tant vécue dans ma propre chair, m’est viscéralement insupportable.

Vingt-sept ans se sont écoulés depuis le festival de Royan 1976. Loin de se détendre, la situation au Moyen-Orient n’a fait que s’aggraver pour atteindre au paroxysme de l’horreur depuis le début de l’Intifada El Aqsa. Il est temps à travers le cinéma de réexaminer le sujet, d’évaluer le chemin parcouru, la situation présente et les perspectives. La matière est abondante désormais des deux côtés, car dans l’intervalle un véritable cinéma palestinien a vu le jour, incluant également d’importants films de fiction.

Les solutions permettant de mettre fin à un conflit interminable sont, semble-t-il, plus éloignées que jamais. Mais le titre de la manifestation que nous proposons constitue à lui seul un cri d’espoir. Dominé, humilié à chaque instant, le peuple palestinien attend que nous soutenions sa volonté de dignité. Occupant mais meurtri, le peuple israélien n’a pas trouvé la paix.

Si nous voulons qu’ils vivent un avenir commun, il est urgent d’ériger une résistance contre la folie qui tue les deux peuples. Le cinéma peut les aider à se connaître autrement qu’à travers le bruit et la fureur. Une image peut être plus efficace, plus éloquente et plus puissante que toute parole, même si elle exige le commentaire de la parole afin que son sens ne soit ni manipulé ni déformé. 

Comme moyen de communication, de transmission de la connaissance et de l’information, bref, comme témoignage, le cinéma reste irremplaçable. Au moment d’écrire ces lignes, tous les films palestiniens programmés sont en notre possession. Mais en dehors de ceux qui vivent à l’étranger, la présence de leurs réalisateurs n’est pas encore assurée, car même ceux auxquels les autorités israéliennes accorderaient un visa de sortie vivent toujours dans la crainte que ces mêmes autorités ne les laissent pas rentrer...

Du côté israélien, la situation logistique est évidemment plus simple. Les films sont là, et la présence de leurs réalisateurs, qu’ils vivent en Israël ou à l’étranger, est assurée. Si un véritable cinéma israélien existait déjà en 1976 avec des bases matérielles solides, la production s’est diversifiée, il existe aujourd’hui des films de fiction et des documentaires qui vont dans le sens de notre projet : vaincre l’obstacle des murs de béton pour établir l’indispensable communication qui aboutira à la paix entre les deux peuples. Ajoutons pour finir un symptôme à notre sens très encourageant, la présence dans certains films tant palestiniens qu’israéliens, d’un humour salutaire, corrosif mais réjouissant, et d’autre part la permanence d’un dialogue entre citoyens des deux peuples sur le plan individuel,  que nulle force armée ne peut arrêter tout à fait. Autant de fragiles passerelles qui viennent s’ajouter au pont suspendu de pellicules qui alimenteront cette semaine d’informations, d’échanges. Pour donner à voir à l’horizon l’espoir d’une paix auquel rien ne pourra nous faire renoncer.

Janine Halbreich-Euvrard
Paris, février 2003