Pérégrinations du septième art : de la scène aux cimaises
Les travaux des élèves de
seconde et troisième années de l’Ecole internationale de théâtre
Jacques Lecoq donnent lieu chaque trimestre à un spectacle.
Le 18 décembre dernier a été présenté in situ, une
suite de tableaux fantasques constituant un univers à la fois
naïf et “ pointu ” (parfois très puéril, parfois
extrêmement élaboré). Cette “ exploration théâtrale ”
basée sur des pantomimes incluant masques et objets avait
pour principal but de “ décrypter ” (de synthétiser
tout en les transcendant) des standards du cinéma tels que,
par exemple, Shining de Stanley Kubrick ou des réalisations
plus récentes telles que, entre autres, Dracula de
Francis Ford Coppola.
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Force est de constater que sur le
fond la démarche des disciples de Lecoq n’a rien d’exceptionnel.
De bien des façons et depuis de nombreuses années, le théâtre
se réfère au cinéma. Le cinéma ne risque plus de tuer le théâtre
comme d’aucuns pouvaient le redouter dans les années 1960-1970.
Il s’est progressivement immiscé sur les tréteaux. Il y a
désormais sa place.
En revanche, lorsque aujourd’hui un musée s’approprie, ne
serait-ce que partiellement ou ponctuellement le septième
art, l’expérience se révèle à bien des égards plus singulière,
plus stimulante. On prendra pour exemple l’exposition Jean
Cocteau sur fil du siècle qui vient de s’achever à
Beaubourg. Les courts extraits du Sang d’un poète,
de La Belle et la Bête, livrés au public en boucle,
mêlés, entre autres, aux toiles de Jacques-Emile Blanche,
d’Andy Warhol, de Robert Delaunay, aux photographies de Jean
Roubier, d’Irving Penn, constituaient indubitablement de fantastiques
vecteurs d’acuité, d’émotion.
Mais plus excitante encore qu’au Centre Pompidou est la présence
du cinéma dans le vénérable musée du Louvre. C’est pourquoi
il paraît bienvenu de signaler ici deux manifestations spécifiques
inscrites à son programme. D’un part, l’atelier “ Filmer
l’œuvre d’art ” proposant, en février et en mars, de
réfléchir sur les différentes approches filmiques d’une sculpture
(“ de la révéler au risque de la trahir ”) et
d’aborder parallèlement des notions techniques diverses telles
que le cadrage, l’éclairage. D’autre part, une série de projections
regroupée sous le titre “ L’expérience métisse ”,
effectuée en marge d’un colloque réunissant historiens, anthropologues
et créateurs, consacré à “ la complexité des échanges
entre les cultures ”.
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On pourra donc découvrir du 25 mars
au 4 avril 2004, sous la grande pyramide, toute une palette
de films associant fictions et documentaires rares sur les
métissages aux Etats-Unis, au Mexique, en Haïti, en Afrique,
en Inde et aux Philippines dont Le Cake-Walk au nouveau
Cirque (une production Auguste et Louis Lumière, 1902),
Swing ! d’Oscar Micheaux (1938), Ombres intrépides
d’Al Clah (1966-1968), Redskin de Victor Schertzinger
(1929), Le Mirage de la vie de Douglas Sirk (1959),
Le Sel de la terre de Herbert J. Biberman (1953), Facing
Forward, une vidéo de Fiona Tan (1999), Reassemblage
de Trinh T. Minh-ha (1928), Kanchenjungha de Satyajit
Ray (1962), Volta de Stepeh Dean (2003), Manille,
dans les griffes des ténèbres de Lino Brocka (1979)
mais encore Einsenstein‘s Mexican Film : Episodes
for Study réalisé à partir des rushes du film d’Eisenstein
Que viva Mexico ! (1955), Haïti de Maya
Deren (1947-1954), une œuvre inachevée elle aussi.
Qu’il soit permis d’imaginer que ces tentatives de “ synergie ”
tout à la fois simples et novatrices entre musée et cinéma
auraient contribué à réconcilier Paul Valéry avec ce tumulte
de créatures congelées, ces kilomètres de solitudes
cirées qu’était à ses yeux Le Louvre. Gageons qu’elles
auraient renforcé les convictions de Paul Cézanne pour qui,
au contraire, ce haut lieu de la culture française
était le livre où nous apprenons à lire.
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Ecole internationale de
théâtre Jacques Lecoq
57, rue du faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél : 01 47 70 44 78
Musée du Louvre
infosvisites-conférences, ateliers : 01 40
20 52 63
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