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L'Auberge espagnole (c) D.R. LE CINEMA FRANÇAIS FACE
AUX TRAITES INTERNATIONAUX


Par Yann RAYMOND


L'industrie du cinéma français subit régulièrement des attaques remettant en cause son mode de fonctionnement. Celles-ci se traduisent le plus souvent par le biais de traités internationaux qui visent à déstabiliser la mise en place de la politique d'exception culturelle, qui contient, entre autres, le financement des différents secteurs du cinéma français en prélevant un pourcentage sur les recettes des films en salle, toutes nationalités confondues.



Les protections accordées par l'Etat, au cinéma français, face à la domination du cinéma américain, sont anciennes. Elles remontent à 1928 et au décret Herriot qui limitait à 120 par an, le nombre de films américains exploités sur le territoire français. Depuis cette date, les mesures de protection n'ont pas cessé de s'adapter au marché. La politique des quotas est donc le centre de la plupart des conflits. La pérennité de la politique française en matière de culture cinématographique dépend d'une mobilisation et d'une vigilance constante de la part des professionnels de l'industrie du cinéma lors de la négociation de traités internationaux.

Des mesures sont efficaces pour promouvoir le développement de la production nationale. Que ce soit le président de Canal +, de Gaumont, de MK2 ou de Pyramide, ils sont tous d'accord pour maintenir, non plus des quotas, mais un système de soutien financé, en grande partie, par la Taxe Spécial Additionnelle (TSA). Les quotas existent mais ils concernent aujourd'hui la régulation interne du marché c'est-à-dire la quote-part des investissements des chaînes de télévision, qui se définit comme un pourcentage de leur chiffre d'affaires annuel, TF1 et France 2, 3% chacune et 9% pour Canal +.

L'Etat américain, afin de défendre et de promouvoir son industrie, prône le libéralisme économique dans tous les secteurs d'activités. L'une de ses principales armes fut le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT). Il avait pour objectif d'ouvrir les économies sur l'extérieur. Néanmoins, le cinéma n'est pas, malgré une augmentation du caractère mercantile des films, uniquement un produit marchand. Cet enjeu est à la fois culturel, maintien ou non d'une cinématographie active et plurielle, et économique : les films américains représentent presque 60% des entrées en France alors que les films français représentent environs 1% du marché américain. En 1994, à la demande de la France, les questions culturelles furent exclues des négociations du GATT (aujourd'hui remplacé par l'Organisation Mondiale du Commerce).

La mondialisation du commerce entraîne parfois des dérives. Ce fut le cas avec les Accords Multilatéraux sur les Investissements (AMI). Les Etats s'engageaient dans le cadre de ces négociations, à "livrer sans restriction ni condition, toute richesse nationale, sous quelque forme d'"actif" qu'elle se présente, à n'importe quel "investisseur" qui s'en porterait acquéreur"(1). L'industrie du cinéma français fut l'une des plus mobilisées par ces négociations, puisqu'elles signifiaient en cas d'application, une remise en question de l'existence d'un cinéma français. La riposte des professionnels du cinéma comprenait une pétition, une présence constante dans les médias dans le but de mobiliser les citoyens, et une demande de soutien acquise de la part de grands noms du cinéma américain tel que Martin Scorsese et Steven Spielberg. L'AMI, c'était pour la profession en France, passer "du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes au droit des investisseurs à disposer des peuples" (2).

Au-delà des querelles internes, le cinéma français a parlé d'une seule voix pour défendre ses intérêts. Le manque d'information dans lequel se sont déroulées ces négociations, avaient et ont de quoi inquiéter l'ensemble de la filière cinématographique.

Le dossier de l'AMI n'est pas définitivement mis à l'écart des débats Il sera réouvert d'une manière ou d'une autre, au compte-gouttes, au sein des traités de l'OMC, malgré l'échec de la conférence de Seattle. La vigilance des pouvoirs publics et des principaux acteurs de l'économie française mais aussi européenne est devenue un enjeu vital.

Ces traités sont le signe d'une tendance plus générale des modes de fonctionnement de l'activité économique française. Les phénomènes de concentration participent à l'élan de mondialisation du commerce. Dans ce cadre, où le terme "exception" est remplacé par "diversité" afin de rallier à la cause française d'autres pays, comment un pays peut préserver une activité artistique et la soutenir, si dans le même temps des négociations ont lieu, dont l'écho ne parvient pas toujours efficacement aux intéressés ? La régulation des marchés internationaux reste néanmoins nécessaire. Mais à quel prix ? Et dans quelles conditions ?



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(1) Le Monde Diplomatique, décembre 1998, p.21
(2) Communiqué de la Société des Réalisateurs de Films, de l’Union des Producteurs de Films et du syndicat CGT des artistes-interprètes, le 2 février 1998.