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David B. Dementend (c) D.R. David B. DeMented
Par Roland KERMAREC


Je viens d’assister à une projection de " Cecil B. DeMented ", une pochade réjouissante et une descente en flammes vivifiante du système hollywoodien, où John Waters incendie en règle les pontes des studios qui tirent les ficelles des blockbusters que sont " Star Wars " ou " Godzilla ". Waters a imaginé un réalisateur complètement frappadingue (interprété par Stephen Dorff), hanté par des " visions " qu’il pense être de génie, un metteur en scène déjanté, qui s’imagine à la tête d’une croisade menée contre le cinéma décérébrant que déverse à flots l’industrie américaine, et qui voue aux gémonies les cinéastes qui ont vendu leur âme au business roi. Défendant à outrance le cinéma indépendant pur et dur, ce Cecil B. DeMented n’a qu’un credo : être prêt à mourir pour réaliser le cinéma qui renversera la culture pop corn.

  David B. Dementend (c) D.R.
Dès lors, il n’est guère étonnant que peu de réalisateurs trouvent grâce à ses yeux ou aux yeux des membres de son équipe. Waters a une trouvaille savoureuse pour présenter ces rares rescapés des fourches caudines : il fait défiler chacun des techniciens afin qu’ils se présentent à l’actrice épouvantable incarnée par Mélanie Griffith, véritable monstre de suffisance auprès de laquelle les pires caprices de nos chères stars passeraient pour d’innocents enfantillages. Les uns après les autres, ils déclinent leur fonction, leur identité et, par-dessus tout, leur patronage spirituel, le Saint Réalisateur qui a guidé leur âme et marqué leur chair (leurs noms sont inscrits au fer rouge sur la peau de ces guérilleros de la pellicule). Sont ainsi mentionnés, entre autres, Otto Preminger, Samuel Fuller, Sam Peckinpah, William Castle – une sorte de précurseur de Waters, qui a réalisé des films d’horreur bon marché à la pelle – et… David Lynch, dont le nom tatoué est arboré par le décorateur afro-américain de l’équipe. (1)

La manière dont le nom de David est présenté est encore plus originale que pour ses confrères bénis des dieux watersiens (avouons que l’adjectif dérivé du nom Waters ne représente pas un summum d’élégance, bref…) En effet, à la manière de Bob Mitchum serrant ses poings l’un contre l’autre pour faire apparaître les mots LOVE et HATE dans " La nuit du chasseur ", le technicien de " Cecil B. DeMented " croise également les doigts pour que s’inscrivent les noms et prénoms de David. Joli raccourci pour indiquer que cette lutte, qu’évoquait le film grandiose de Charles Laughton, figure parmi les thèmes majeurs abordés par David dans son œuvre. Le combat éternel du Mal et du Bien. Outre ce traitement de faveur, David bénéficie d’un bis inattendu lorsque Ceci B. DeMented, ayant cette fois intégralement fondu un fusible, se voit déjà comme le plus grand réalisateur de l’Histoire, capable de mettre en scène des films plus noirs et plus étranges que ceux de David Lynch. Vouloir surpasser le " Tsar du Bizarre ", comme l’avait surnommé le Times en 1990, rien que ça… On peut accepter des boursouflures d’ego intempestives, mais tout de même…

la Nuit du chasseur (c) D.R.
Gageons que David Lynch, s’il a eu connaissance de ces quelques scènes, a été sensible à l’hommage rendu en guise de clin d’œil par un de ses pairs, qui appartient à la même génération que lui et qui, à son instar, n’a jamais piétiné ni même daigné regarder les plates-bandes envahies par un troupeau de réalisateurs américains friands de succès faciles et de dollars promptement palpés.





(1) Les autres rares élus qui échappent aux foudres de John Waters sont Andy Warhol, Rainer Werner Fassbinder, Pedro Almodovar, Spike Lee, le réalisateur américain underground Kenneth Anger et Herschell Gordon Lewis, cinéaste avant tout connu pour Two thousand maniacs !, remake gore du Brigadoon de Minnelli.