Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 

Lost Highway (c) D.R.
Les détails de son apprentissage du numérique sont cependant plus révélateurs de son approche des nouvelles technologies. Se confronter avec un nouvel outil nécessitait pour lui la découverte d’une nouvelle voie artistique, d’une nouvelle façon unique de créer un monde imaginaire, et impliquait par conséquent l’exploration et la maîtrise des spécificités de la technologie numérique, afin d’éviter de donner naissance à un simple ersatz de film, de photographie ou de peinture. David se caractérise avant tout par la diversité et la polyvalence des domaines artistiques dans lesquels il œuvre. Son entrée dans l’ère numérique devait obligatoirement se doubler d’une expansion de son champ d’étude et de sa palette créatrice : un nouvel outil pour plonger dans une nouvelle dimension de son univers, une nouvelle technologie apte à le faire traduire un pan de sa pensée que les autres techniques avaient jusque-là laissé dans l’ombre. Ainsi, loin de considérer l’image différente du numérique comme un défaut majeur, comme c’est le cas régulièrement, il pense que cette caractéristique technique finira par influencer non seulement l’esthétique d’un film qu’il tournerait grâce à ce procédé, mais aussi l’histoire elle-même, comme par une réaction en chaîne : l’image fluctuante devient à ses yeux un atout susceptible d’inspirer des émotions et des scénarios inconnus, et non plus une tare technique qu’il s’agit de briser. Cette réflexion m’évoque l’usage que David faisait de la vidéo dans Lost Highway à travers les séquences censées avoir été filmées par le Mystery Man et qui engendraient une profonde angoisse chez le spectateur (même s’il n’avait pas utilisé de caméra vidéo proprement dit mais des objectifs qui s’en rapprochaient pour cette série de plans).

David possède lui-même une caméra DV et les essais qu’il effectue pour le moment, essentiellement dans sa propriété, semblent osciller entre documentaires animaliers à tendance zen, proches de ses éternelles obsessions (une ruche d’abeilles, " bee’s nest ", qu’il a filmée pendant une heure entière dans l’arrière-cour des bureaux de Picture Factory, et qui rappelle bien sûr sa passion célèbre pour les insectes, des mouches aux fourmis), et films expérimentaux à la Andy Warhol (une scène nocturne – nous n’en saurons pas davantage – qu’il a filmée en plan fixe douze heures et qui, même s’il va la réduire à 28 minutes afin de la diffuser plus tard sur le net, peut par exemple évoquer " Sleep ", où Warhol montrait un homme en train de dormir pendant des heures et des heures). Afin de parfaire sa maîtrise et ses expérimentations de la DV, il a par ailleurs fait construire un petit plateau " right up on the top of the hill ". En haut de la colline, dit-il, désignant l’endroit du doigt… Je ne saurais l’assurer, mais cela paraît correspondre trait pour trait au " Crow’s Nest " où je logeais durant les trois mois du tournage ! Un tout petit bâtiment de deux étages, carré et construit intégralement en béton, jusqu’à la terrasse d’où je savourais fréquemment les lueurs de Downtown et le murmure lointain de la freeway qui y menait. Des sons et des images associées à jamais pour moi à ce périple inoubliable. Impression bizarre, David expérimentant sa DV dans mon petit " chez-moi lynchien " ! Espérons que mon souvenir hante encore parfois cet espace familier et qu’il se présente de temps à autre à son esprit, là-haut sur sa colline…




Acheter ce livre ou DVD sur le site : Fnac
Acheter ce livre ou DVD sur le site : PriceMinister
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Amazon
Acheter ce livre ou DVD sur le site : Librairie Lis-Voir




(1)
La société Picture Factory  a été créée au début 1998 par David Lynch, Mary Sweeney et le producteur Neal Edelstein, qu’évoque brièvement David durant cette interview en disant que " Neal " ne cessait de lui répéter d’aller sur Internet.