En 1974, Sergio Leone vient à Paris pour visionner
un film de Jacques Deray, à qui il pense confier la
réalisation d'une de ses productions. Accompagné
du producteur Norbert Saada et du comédien André
Pousse, Leone se rend aux studios de Boulogne. Pousse raconte
la scène :
" On entre (
) et sur la droite je vois
au loin un acteur habillé en président de cour
d'assises. On s'approche et je reconnais Gabin. Il était
en train de tourner Verdict avec Sophia Loren et, entre
deux plans, il était sorti fumer une cigarette dans
le couloir, assis sur le banc en face de la cantine.
- Bonjour, Jean, comment
vas-tu ?
- Ça va et toi ?
- Ça va
Comme il voit que
je suis accompagné, il jette un bref coup d'il
sur Sergio Leone et Norbert.
- Bonjour, messieurs
Et il se lève
après avoir écrasé sa cigarette pour
retourner sur le plateau. Là, je me marre et je désigne
Sergio Leone à Jean Gabin.
- Vous vous connaissez !
- Ben non, excusez-moi.
Sergio Leone, évidemment,
connaissait Jean Gabin en tant qu'acteur qui lui-même
savait qui était Sergio Leone, mais ils ne s'étaient
jamais rencontrés, c'était la première
fois. J'ai dû faire les présentations.
- Jean Gabin, Sergio
Leone.
Ils se sont serré
la main et Sergio Leone avait attaqué le premier :
- J'ai lu que vous alliez
arrêter de faire du cinéma. C'est dommage et
je le regrette beaucoup, parce que, pour moi, vous êtes
le plus grand, et j'aurais aimé faire un film avec
vous.
- Compliment pour compliment,
je peux vous dire une chose, s'il y a un metteur en scène
qui peut le faire changer d'avis, c'est bien vous, parce qu'avec
vous on a très peu de texte et beaucoup de gros plans
Il ne manquait pas
d'humour, Jean Gabin. "
L'idée de travailler
avec Pépé-le-Moko fait son chemin. Leone,
qui pense depuis cinq ans à son Il était
une fois en Amérique, n'est pas encore fixé
sur le casting ni sur le choix de la communauté dans
laquelle se déroulera le film. " Au
début, je voulais que Max (NDLR : personnage
finalement joué par James Woods) soit français.
Pas uniquement pour une question de coproduction. J'avais
le désir d'évoquer les Français qui
vivaient en Amérique. " Il imagine alors
Gérard Depardieu dans le rôle et pense à
Gabin pour les séquences le montrant âgé.
" Il m'avait donné son accord à
condition qu'il ne prenne pas l'avion. Il m'avait dit :
" Ecoutez, Leone, nous irons en Amérique
par le bateau. Tous les deux. Comme ça, on aura entièrement
le temps de discuter du rôle et de tout préparer.
Moi, l'avion ça me plaît pas. Le bateau, j'aime.
Je connais. Mais ce que je préfère, c'est
le " dur ". Le train. C'est le moyen
le plus peinard pour voyager. " "
Gabin disparaît
le 15 novembre 1976 et Leone continue à rêver
à sa fresque, qui ne prendra forme qu'en 1984.
 |
|
Les propos cités dans l'article sont extraits
de Touchez pas aux souvenirs d'André
Pousse aux Editions Robert Laffont (1989) et de
Conversation avec Sergio Leone par Noël
Simsolo aux Editions Stock (1987).
|
|