Superproduction internationale ou uvre
de bienfaisance ? Quand Terence Young, après avoir fait
l'apologie du Martini-Vodka, se fait le pourfendeur du trafic
d'opium.
En 1966, l'espionnite est à
son apogée. Dans le sillage des James Bond, les Matt
Helm, les OSS 117, les Coplan et les Agents très spéciaux
traquent des agents communistes borgnes, estourbissent des
danseuses du ventre agents doubles et descendent des hectolitres
de whisky ou de Martini. Le cinéaste Terence Young,
qui a mis définitivement fin à sa collaboration
avec 007 après Opération Tonnerre , se
voit offrir de réaliser un des sketches du film d'espionnage
Guerre secrète puis de collaborer au scénario
de Atout cur à Tokyo pour OSS 117 de Michel
Boisrond. Le producteur Euan Lloyd lui propose alors de réaliser
Opération Opium (Danger grows wild / Poppy
is also a flower) d'après une idée de Ian
Fleming, le père de James Bond.
" Ce fut une merveilleuse
expérience pour moi, même si l'entreprise ne
m'a pas rapporté grand-chose. Après trois
James Bond, trois films à succès, on m'offrait
les moyens de tourner une superproduction internationale
avec de très grandes stars. " Le casting
est effectivement impressionnant : Trevor Howard, Yul
Brynner, Rita Hayworth, Eli Wallach, Marcello Mastroianni,
Omar Sharif, E.G. Marshall, Jack Hawkins, Hugh Griffith,
Stephen Boyd, Gilbert Roland, Senta Berger ou encore Trini
Lopez dans son propre rôle. Le budget ne fut cependant
pas pharaonique puisque tous tournèrent pour un dollar
symbolique ! Produit par l'UNESCO, Opération
Opium est en effet un film destiné à prévenir
des méfaits de la drogue, un peu à la manière
de Razzia sur la chnouf (1954) d'Henri Decoin. Généralement
considérée comme un remake d'un film de Robert
Stevenson de 1947 justement intitulé Opium,
cette uvre engagée ne retient de Ian Fleming
qu'un passage de son livre-document Les Contrebandiers
du Diamant. Un policier lui expliquait comment il pistait
avec de la peinture radioactive les pierres précieuses
que les trafiquants sortaient d'Afrique du Sud. Le scénariste
Jo Eisinger remplaça les diamants par de l'opium,
autant dire que le nom de Fleming au générique
n'avait plus qu'une valeur commerciale.
Sous des aspects de superproduction d'aventures
aux lieux de tournages exotiques (l'Iran, Naples, Genève,
Monaco), le film de Terence Young parvient réellement
à faire passer un message de prévention. Tout
d'abord en faisant des deux héros du film des anti-James
Bond complets : dans la force de l'âge, Trevor
Howard et E.G. Marshall sont des besogneux enquêteurs
du Bureau des Narcotiques de l'ONU. Ces héros " vrais "
sont totalement crédibles dans leur combat contre
les trafiquants. De plus, les images de drogués en
manque sont assez saisissantes et atteignent leur but. A
Hugh Griffith qui affirme : " Il n'y a
pas de mal dans l'opium ", Yul Brynner répond :
" Mais il y en a dans l'Homme ".
Et ces hommes, à la tête d'organisations mafieuses,
sont implacables mais également interchangeables.
Si le caïd Gilbert Roland est éliminé
à la fin du film, les enquêteurs ne sont pas
dupes : ils savent qu'un autre le remplacera.
Terence Young ne délaisse pas pour
autant l'aspect spectaculaire de l'histoire et multiplie
les séquences d'action et de suspens, comme cette
attaque nocturne d'un camp iranien, particulièrement
réussie. On retiendra aussi quelques éléments
" jamesbondiens ", comme la bagarre
entre E.G. Marshall et Anthony Quayle dans le Train Bleu
(qui rappelle celle de Bons Baisers de Russie dans
l'Orient-Express), certains gadgets (un compteur Geiger
dissimulé dans une montre - comme dans Opération
Tonnerre - ou un paquet de cigares, un talon de chaussure
truqué - comme dans Goldfinger) et la présence
de Harold Sakata, qui fut Oddjob, le tueur coréen
au chapeau cerclé de fer de Goldfinger.
Opération Opium était
destiné à la télévision et fut
diffusé le 22 avril 1966 sur ABC (avec une présentation
de Angie Dickinson). Mais devant le succès remporté,
le film fut projeté sur grand écran dans le
reste du monde.
Titre : Opération
Opium Titre anglais
: Poppy is also a flower / Danger grows wild Réalisateur
: Terence Young (1966) Scénario
: Jo Eisinger D'après une idée
de : Ian Fleming Musique
: Georges Auric Directeur de la photographie
: Henry Alekan Production
: Telsun Foundation Inc. Produit par
: Euan Lloyd Producteur délégué
: Simon Schiffrin Distribution mondiale
: Wiener Stadhalle (Vienne) Distribué en
France par :
Prodis Interprètes :
Senta Berger, Stephen Boyd, Yul Brynner, Angie
Dickinson, Georges Géret, Hugh Griffith,
Jack Hawkins, Rita Haywort, Trevor Howard, Jocelyn
Lane, Trini Lopez, E.G. Marshall, Marcello Mastroianni,
Amedeo Nazzari, Jean-Claude Pascal, Anthony Quayle,
Gilbert Roland, Harold Sakata, Omar Sharif, Barry
Sullivan, Nadja Tiller, Howard Vernon et Eli Wallach.