Cinélycée :
Comment est l’ambiance à Cannes,
cette année ?
Romain Goupil : Elle est
beaucoup plus sobre que d’habitude, il y a moins de paillettes,
plus d’intérêt pour les films, plus de discussion.
Comme si le fait d’être dans une ville où le
vote d’extrême droite est important poussait les gens
à prendre leur travail au sérieux. Cela rend
Cannes extrêmement agréable, beaucoup moins superficielle
que les années précédentes. Mais en même
temps, bien sûr, il y a les fêtes qui permettent
de s’amuser, de décompresser, de rencontrer des gens,
avec des excès publicitaires, mais ce n’est pas très
grave.
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Cinélycée :
Comment voyez-vous le cinéma américain par rapport
au cinéma français ?
Romain Goupil : Je suis
loin d’avoir une pensée générale sur
le cinéma américain, je ne fonctionne pas de
cette manière. Que le film soit américain, belge
ou français, je n’ai aucune préférence
nationale. Il peut s’agir d’un film commercial, formaté,
pour distraire le public : c’est la machine industrielle
qui veut ça, il y en a de bons et de moins bons, suivant
le talent des réalisateurs. Mes préférés
sont les films qui m’aident à comprendre mon rapport
au monde, ou celui d’autres cinéastes. D'ailleurs,
ce sont souvent des films qui viennent de pays où il
est difficile de s’exprimer, des films peut-être plus
justes par rapport à la situation des créateurs.
Mais ce n’est pas parce qu’un film est iranien ou autre qu’il
est bon.
Cinélycée :
Quels sont vos projets ?
Romain Goupil : Mes projets
sont liés à la façon dont je peux intervenir
sur ce qui se passe aujourd’hui. Je ne sais pas encore comment
cela va se mélanger au scénario: vu ma façon
de tourner et d’avancer, c’est toujours un mélange
de choses passées et de préoccupations contemporaines.
Je vais voir autour de quel sujet je tournerai mon prochain
long métrage.
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Cinélycée :
Comment arrivez-vous à concilier
activité militante et artistique ?
Romain Goupil : Je ne
concilie rien du tout! Mon rapport au monde est tel que je
fonctionne par rapport aux injustices, à ce qui est
intolérable. Et cela de manière militante, comme
cela a été le cas dans mes années lycéennes
de 68, dans une organisation révolutionnaire. J’en
ai fait la critique, mais cela ne m’empêche pas de considérer
qu’il faut changer les choses: ainsi j’interviens comme individu,
comme citoyen. En revanche, je ne me sers pas de mes films
comme d’une arme quelconque pour mobiliser. Je suis très
loin de l’idée d’un film à message, qui apporterait
une solution, ou entraînerait une mobilisation. Je suis
en faveur des films qui montrent une contradiction ou qui
suscitent en un questionnement. Quant à une éventuelle
solution (que déjà je ne détiens pas
en tant qu’individu) elle ne pourrait en aucun cas être
le propos de mes films, ni illustrer un discours pour convaincre
les gens de quelque chose de juste.
En tant qu’homme, dans des situations d’urgence comme la Bosnie,
l’Algérie, ou la Tchétchénie, je mets
à profit mon accès aux médias, j’écris
et j’interviens pour essayer de mobiliser les gens, afin de
résister à une situation d’oppression ou d’injustice.
De même, en France, quand j’apprends que le FN, parti
xénophobe, raciste, est au deuxième tour, j’essaye
de tout faire, avec tous les moyens qui ne sont pas ceux du
cinéma, pour faire réagir les gens.
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