Lucas Belvaux traîne ses guêtres
de comédien depuis le début des années
80 dans les films de Jacques Rivette (Hurlevent), Claude
Chabrol (Poulet au vinaigre, Madame Bovary), ou Olivier
Assayas (Désordre). Il passe à la mise
en scène en 1992 avec Parfois trop d'amour, mais
c'est en 1996 qu'il se fait véritablement remarquer.
Pour rire, comédie de l'adultère, particulièrement
réjouissante, réunissait Jean-Pierre Léaud,
Ornella Muti et Antoine Chappey.
On ne savait pas encore alors que Lucas Belvaux avait le projet
original et enthousiasmant d'une trilogie, ou plutôt d'un
triptyque sur les apparences trompeuses des êtres humains.
C'est maintenant chose faite. Un couple épatant,
comédie inquiète, Cavale, polar idéaliste,
et Après la vie, mélo épuré,
forment un ensemble cohérent et extraordinairement ludique
pour le spectateur. Trois genres de cinéma pour trois
couples et trois univers différents dans un même
espace (Grenoble et ses environs) et une même temporalité
(grosso modo 24 heures entre jour et nuit), parsemée
de passerelles communes (des mêmes scènes filmées
sous un autre angle, des hors champs insoupçonnés,
etc.). Notre perception des personnages change sans cesse au
fur et à mesure qu'on les connaît, selon qu'ils
soient à l'arrière ou l'avant-plan.
On gagnerait à revoir éternellement ces trois
films, à découvrir à chaque vision leurs
richesses ou à imaginer celles qu'on peut s'inventer.
La trilogie de Lucas Belvaux redonne ainsi du tonus à
cette vieille idée que le plus beau film est aussi celui
qu'on s'imagine. On peut dès lors emprunter les oripeaux
de l'un de ces personnages de fiction pour se l'accaparer et
imaginer la suite de ses aventures.
En attendant de laisser son propre esprit vagabonder, allons
voir la trilogie de Lucas Belvaux ! Dans cet entretien, le comédien
cinéaste détaille son projet.
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Objectif Cinéma :
L'idée de la trilogie
est venue de votre film Parfois trop d'amour
Lucas Belvaux
: Oui
Je regrettais presque alors de ne pas avoir pu filmer
plus de scènes avec les personnages (et comédiens)
secondaires du film. Parfois trop d'amour était
un road movie qui se déroulait sur 24 heures, avec trois
personnages principaux qui croisaient à plusieurs reprises
d'autres personnages secondaires. Je m'étais dit que
j'aurais pu filmer les mêmes 24 heures dans la vie de
chacun de ces personnages secondaires.
Objectif Cinéma
: C'est un vrai fantasme de cinéaste
et de spectateur et
c'est sans fin !
Lucas Belvaux
: Effectivement. Et je n'en avais pas totalement pris conscience
au niveau de l'écriture. Je me suis rendu compte aux
festivals de Toronto et de Chicago que les spectateurs anglo-saxons,
qui ne connaissaient pas vraiment les acteurs, ne pouvaient
pas deviner à l'avance quel serait le couple principal
des films suivants. Pour eux, tous les acteurs sont au même
niveau de notoriété et Georges, le docteur,
ou Claire, la secrétaire, auraient pu faire aussi l'objet
d'un film.
Beaucoup de gens me demandent encore aujourd'hui pourquoi
je n'ai pas fait de quatrième ou de cinquième
films, mais il faut bien s'arrêter à un moment
! Même si je l'avais fait, cela aurait engendré
d'autres personnages secondaires dont on aurait voulu suivre
également l'histoire, etc.
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