Objectif Cinéma : Coup de torchon de Bertrand Tavernier (Médiathèque)

C’est une évidence, Philippe Noiret inspire Bertrand Tavernier. Les cinq titres de la collection (Le juge et l’assassin, La vie et rien d’autre, L’horloger de Saint-Paul, Que la fête commence et … Coup de torchon) éditée par Studio Canal sont là pour le rappeler. Ce sont tout simplement les meilleurs films du cinéaste.

Tourné en 1981, placé dans la chronologie comme le quatrième et avant-dernier film de cette fructueuse collaboration, Coup de torchon est un film inclassable et étonnant. Alors que la présence au générique de Jean Aurenche, scénariste des films très " qualité France " des années 30-50, et dans une moindre mesure d’Alexandre Trauner, grand décorateur du cinéma français (notamment des films majeurs de Marcel Carné) aurait pu diriger Tavernier vers la réalisation d’une resucée des atterrants films coloniaux français des années 30, le recours humoristique à une dimension mystique, une atmosphère surréelle présente dès les premières images (une éclipse, la massive présence de Noiret, des enfants noirs qui jouent, une musique obsédante) font basculer le film vers une singularité inattendue. Noiret compose un flic lâche et violent, lutinant une jeune écervelée (jouée par Isabelle Huppert) pendant que sa femme Huguette, bête et autoritaire (Stéphane Audran), se réfugie dans les bras de son débile de " frère " (étonnant Eddy Mitchell). Bienvenue dans un monde de fous, imaginés par Jim Thompson dans son roman " Pop 1280 ", polar situé dans le Sud des Etats-Unis, transposé ici dans l’Afrique coloniale d’avant-guerre.

On retrouve également dans le film plusieurs acteurs épatants, dont le savoureux François Perrot (dont l’annonce de la déclaration de guerre est tordante) et l’inévitable Jean-Pierre Marielle, dans un rôle de jumeaux. Mais Coup de torchon n’est pas seulement une belle affaire d’acteurs. C’est aussi un film en mouvement, dompté par les arabesques mémorables d’un steadycam très maîtrisé.

Bonus : Comme sur chacun des DVD de cette collection, on retrouve en interview les duettistes Tavernier-Noiret, et leur chapelet d’anecdotes recueillies avec discrétion par Michel Boujut. Eddy Mitchell rappelle dans un entretien d’un quart d’heure l’atmosphère du tournage en Afrique. Un extrait d’une émission télévisée de l’époque permet de revoir Alexandre Trauner et ses dessins réalisés pour les décors du film, et d’entendre quelques mots du chef-opérateur Pierre-William Glenn. Le morceau le plus intéressant de ces bonus reste la fin alternative, restée inédite, et beaucoup plus intrigante (deux singes dansant ensemble dans un bal) que celle qui fut montée.