Pourquoi le programme Court-circuit
s’impose-t-il, aujourd’hui, comme l’un des plus passionnants
du paysage audiovisuel actuel ? Mais (audimat oblige ?) pourquoi
s’acharne-t-on à le diffuser le plus tard possible
? Jeudi 04 Juillet à 0h50 : Court-circuit proposait
un numéro spécial d’une heure, intitulé
" New York années 50 ", avec tout d’abord
The Big Shave de Martin Scorsese, analysé ensuite
par Luc Lagier (rédacteur en chef du magazine), suivi
d’un entretien avec Brian De Palma entrecoupé d’analyses
et d’extraits de films ; une visite de l’Anthology Film Archives
de Pip Chodorov et l’analyse de Nicole Brenez du sidérant
Exploding… d’Andy Warhol. Un numéro exceptionnel
dans tous les sens du terme. Désormais, on peut voir
ou enregistrer l’émission le lundi en troisième
partie de soirée.
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Ce programme se divise en
deux : un magazine avec un sujet sur un cinéaste et
une partie composée de courts-métrages internationaux.
Le magazine, unique, concilie choix inédit et qualité
du sujet, marie le rare à l’événementiel.
Lors de la rencontre avec Philippe Grandrieux (diffusée
le 02 septembre 2002), réalisateur de Sombre,
qui évoquait son nouveau film La Vie nouvelle,
le privilège d’écouter une voix et des propos
médiatiquement trop rares se sont fait ressentir. Dans
une étrange clairière retirée, une lumière
humide éclaire le visage de ce cinéaste ermite
qui arbore de vifs traits d’intelligence : moment d’une rare
et calme poésie télégéniques.
Il fallait voir comment un tel mythe prenait corps à
mesure du découpage méthodique des mains et
de la parole ; comment il émergeait de la petite lucarne,
pour laquelle il a tant œuvré, en produisant notamment,
au temps de La Sept, de grands artistes vidéo
tels Robert Kramer, Garry Hill ou Thierry Kuntzel.
La rencontre avec un cinéaste,
l’écoute de sa parole ne suffisent plus : il fallait
tisser comme ici une synergie entre le texte qui accompagne
les extraits de films et l’œuvre en question. Il fallait que
s’ordonne un échange par tentatives, raccords ou désaccords.
Le montage à l’image veut nécessairement procéder,
opérer, afin de dessiner une passerelle vers le cinéma.
Que le quêteur s’investisse, que ses choix de montage
traduisent ou recoupent le discours du cinéaste : de
sorte que, dans Court-circuit, le montage des images
et des sons puisse réellement s’entretenir avec l’univers
du cinéaste.
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Réussite totale
: parvenir à joindre dans un même élan
le cinéma d’avant-garde (les analyses riches et concises
de Nicole Brenez, comme pour Yours de Jeff Scher, programmé
le 23 septembre) aux cinémas différents (le
génial Philippe Barassat, le 14 octobre) ou dits expérimentaux
(Flammes de Patrick Bokanowski précédé
d’un portrait du cinéaste, le 07 octobre), tout en
prônant un regard grand angle sur le cinéma et
les nombreux cinéastes qui sont passés par le
court-métrage (retour sur Tarkovski prévu le
07 octobre, à l’occasion de l’Intégrale à
Beaubourg). Les cinémas de Tscherkassky ou de De Palma,
comme les personnages de fiction Michael Jackson ou David
Bowie (portrait de son rapport au cinéma, le 30 septembre)
sont ainsi revisités, décryptés et élargis
dans un angle analytique qui défait les catégories
et, sans contester la place du long-métrage, ne cesse
d’investir le cinéma des premiers temps (analyse brillante
du cinéma de prestidigitation de Georges Méliés,
par Hugo Bélit) ou de proposer, dans un relatif souci
d’exhaustivité, un panorama des formes courtes (diffusion
et commentaires autour du film Les Statues meurent aussi
de Chris Marker et Alain Resnais). Vision actuelle mais
profondément moderne des choix de Luc Lagier, pas si
éloigné de l’ouverture aux " cinémas
différents " que prône le magazine Repérages,
pour lequel il écrit. Court-circuit plaide pour
un nouveau rapport au cinéma tout en proposant une
pédagogie de l’image. Ce qui traduit une belle acuité
et un réel esprit de découverte. Une boulimie
de cinéma et un savoir transmissibles. Très
recommandable.
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