TOUT L’ART DE HOU HSIAO-HSIEN
|
|
|
|
Par petites couches successives,
Hou Hsiao-hsien nous dévoile les différentes
facettes qui composent ses personnages. Il les met en relief
et arrive à les rendre attachants et humains, en dépit
des nombreux préjugés de départ. Loin
de la gestuelle crâne et entendue, des tics propres
à leur communauté de genre, le spectateur va
pénétrer l'intimité de Kao et des siens
et se prendre d'affection pour eux. Peurs, espoirs, colère,
joie ou futilité quasi enfantine : la panoplie complète
des sentiments humains est ici évoquée.
Dans ce monde de petite délinquance, la violence n'apparaît
que par pics très succincts et retombe immédiatement.
Les personnages, Kao tout particulièrement, ont le
sens du consensus, de la mesure, comme s'ils savaient que
tout était lié et qu'un souffle, ici, peut déclencher
une tempête, là.
Goodbye South, goodbye s'ouvre par une longue séquence.
Celle d'un tortillard qui conduit le trio vers Hsi. Ce procédé,
celui du voyage, va servir de base à tout le film.
Les différents moyens - train, voiture, moto - relient,
bien sûr, les protagonistes mais permettent aussi d'articuler
les séquences entre elles. Ces scènes sont filmées
avec des effets stylistiques différents. Ils sont appuyés,
à chaque fois, par la musique envoûtante composée
par Lim Giong, qui interprète Bian. Aux accents parfois
violents, parfois mélancoliques ou oniriques, elle
annonce la gravité ou la légèreté
de la scène qui suit.
|
|
|
|
Goodbye… est un film
volontiers contemplatif. C'est souvent avec regret que Kao
se frotte à la réalité même s'il
sait qu'il ne peut y échapper. Il est en recherche
d'insouciance, et peut-être, par un certain côté,
envie-t-il Bian et Patachou. On le voit, heureux, déambuler
en leur compagnie, lui sur sa puissance moto, eux sur leur
scooter silencieux, dans la campagne boisée et humide.
L'espace d'un instant, il oublie tous ses soucis. D'autres
moments dans le film donnent au spectateur cette sensation
de flottaison. Les personnages évoluent dans une atmosphère
éthérée, comme dans des images du monde
flottant. Hou est un grand admirateur du cinéaste japonais
Yasujiro Ozu. A son instar, Il maîtrise "l'art de l'économie
des moyens", ce qui sert admirablement la narration du film.
Comme le dit le cinéaste : "Je ne souhaite pas raconter
d'histoires, mon désir est plutôt de créer
des climats, des ambiances" Le film joue sur la dilatation
du temps, que l'on retrouve d'ailleurs souvent dans le cinéma
asiatique. Elle est incontestablement liée à
sa culture et à son mode de pensée. Une seconde
semble une éternité. Hou ne cherche pas à
imposer, à montrer, il n'a pas de souci de rentabilité.
Tel le blanc tournant qui rehausse la beauté d'une
photographie, la met en valeur, le réalisateur distille
du vide, de l'espace entre les actions. Il amène dans
son œuvre des pauses, des respirations. L'improvisation des
acteurs accentue d'avantage ce sentiment de cinéma
vérité. Le scénario n'est pas figé
et Hou n'hésite pas à modifier ses plans de
tournage. Seules comptent en fait les sensations qu'il veut
faire passer aux spectateurs. Avec Goodbye South, goodbye,
le challenge est plus que réussi.
Jack Kao, le comédien qui joue le rôle du truand
éponyme, a cosigné le scénario du film
en compagnie des collaborateurs habituels du cinéaste,
Chu T'ien-wen, écrivain et amie de longue date de Hou
et Wu Nien-jen. Nul doute que sa présence à
l'écriture donne une force et une consistance à
son personnage, rehaussé d'autre part, par son excellent
jeu d'acteur. La jeune chanteuse Pop taïwanaise, Annie
Shizuka Inoh, joue le rôle ingrat de Patachou.
|
|
|
|
Goodbye South, goodbye
est un film touchant, remplie de la poésie de la quotidienneté
et Hou sait à merveille la sublimer. Espérons
que le succès de Millennium Mambo et sa sortie
en dvd permettront de découvrir d'autres productions
du réalisateur, notamment celles de ses débuts.
BONUS : Côté support
DVD, on regrettera un peu le minimaliste du menu et l'indigence
du packaging. A écouter, le commentaire pertinent de
Thierry Jousse des Cahiers du cinéma qui permet
de bien pénétrer l’œuvre de Hou Hsiao-hsien
et le film en lui-même.
|
|
Titre :
Goodbye South, Goodbye
Réalisation :
Hsiao-Hsien Hou
Scénariste :
Chu T'ien-wen, Jack Kao, Jieh-Wen King
Directeur de la photographie :
Huai-en Chen, Pin Bing Lee
Acteurs :
Jack Kao Kao, Kuei-Ying Hsu Ying
Compositeur :
Giong Lim
Chef monteur :
Ching-Song Liao
Producteur :
Ben Hsieh, Chong Huang
Editeur :
MK2
Format image :
4/3 format respecté 1.85
Qualité :
Stéréo, couleur
Durée :
112 minutes
|
|
|