Tous ceux qui ont été
imprégnés par la langueur muette et la torpeur
désespérée d’Intervention divine résisteront
difficilement au prolongement du plaisir que procure l’écoute
de la bande originale du film. D’abord, les premières
résistances de l’auditeur à la mélodie-sarabande
de Natacha Atlas, titre-phare du disque, laissent place à
une écoute continue et comblée. Pourtant, au
vu de ce morceau musical, à ce moment donné
du film, on ne jure de rien en termes de qualité. Et
pourtant : une autre hypnose, sonore, s’enclenche, se
poursuit en boucle. Et ensorcelle, par la faute de cette mélopée
arabe qui reprend Marylin Manson et son I Put A Spell on
you. Entourloupe ? Le début même, syncopé,
et ses basses de rock and raï qui suivent, laissent
tout aussi pantois que les tours de passe-passe du cinéaste.
Mais, en vérité, tout le sarcasme d’Intervention
divine est contenu ici dans le titre, dans ce lacet amoureux
(" because your mine ") entre deux voisins
en guerre, exilés de l’autre et exilés d’eux-mêmes,
parabole amoureuse à elle seule du conflit auquel cependant
Suleiman, comme tout au long du film, ne prête pas mot.
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Si Natacha Atlas chante
le sarcasme (et la passion), Marc Collin penche davantage,
dans son morceau Les Kid Nappeurs (thème principal
du film), vers le burlesque, dans la même et exacte
gamme expressive qu’Elia Suleiman lui-même. Un sifflement,
quelques notes de triangle et un sample de western
électrique dessinent les mêmes contours pinces
sans-rire. L’harmonica rappelle la gravité du thème
sans verser dans une couleur dramatique, pourtant pas si éloignée
des adagi d’Ennio Morricone. On scrute, on brode autour
du nœud musical ; on fétichise la marche en avant,
comme on dit d’une marche militaire, à l’instar du
thème fameux Mission : impossible de Lalo
Schiffrin.
Le monde burlesque d’Elia
Suleiman n’est pas un no man’s land mais un aquarium à
bulles. Chaque bulle est un conflit, chaque musique, une lecture
du conflit. Le plan, dans son unité, comme la musique
du film, retranscrivent le tissage quotidien du conflit en
petits segments et larges espaces, à la limite du cadre,
aux quatre coins de l’espace. Le morceau " Easy
muffin " d’Amon Tobin en est la parfaite métaphore,
il s’étire, aérien et absurde, jusque dans sa
trompette insonorisée. Dans ce morceau liquide et coloré,
faux air d’Archive aux basses trip-hop, langoureux
et jazzy, se redessine l’art minimaliste des grands espaces
du film, unique et intense incitation à la rêverie
du disque. Profitons-en ; avant que le rock de Mirwais
ne troue le mémorable ballon rouge (Yasser Arafat)
et l’un des silences les plus interminables du cinéma
(Elia Suleiman).
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Titre :
Intervention divine
Genre
: Bande originale de film
Interprètes
: Natacha Atlas , Mirwais , Amon Tobin , Amr Diab
, Marc Collin
Editeur :
Milan
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