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Ararat (c) D.R. MUSIQUE

Ararat
de Mychael Danna
Par Nicolas JOURNET


PARADOXE ARMENIEN

Mychael Danna n’en est pas à sa première collaboration avec Atom Égoyan. Depuis 1987, et la sortie de Family Viewing, le compositeur américain élabore des partitions pour le compte du réalisateur arménien. Mais leur neuvième collaboration a revêtu un caractère exceptionnel. Ararat est en effet le film le plus personnel d’Atom Égoyan. Le jeune réalisateur y évoque le génocide du peuple arménien, de son peuple, par l'armée turque au cours de l'année 1915. Ararat n’est pas un simple compte-rendu chronologique des évènements. Comme souvent dans ces films, Atom Egoyan met en place une histoire dans l'histoire. Et cette fois-ci dans Ararat, il s'agit même d'un film dans le film. Malgré ces moyens filmiques complexes, le dernier film d'Atom Égoyan n’en reste pas moins un film historique, un film sur l'Histoire. Et généralement qui dit film historique dit bande originale ampoulée, les compositeurs semblant croire que la référence à un passé tragique nécessite l’utilisation unilatérale d’un orchestre symphonique.

  Mychael Danna (c) D.R.

Comme ces collègues, Mychael Danna a sollicité les services d’un ensemble harmonique. Mais, contrairement à eux, il a su associer des thèmes folkloriques arméniens à ces parties orchestrales enregistrées à Londres. Dans une église arménienne du VIème siècle située à Etchmiadzin, un choeur traditionnel a donné de la voix pour donner à la bande originale de Mychael Danna un souffle lyrique impressionnant. Dans un studio d'enregistrement des environs, des solistes s'activaient quant à eux sur des instruments aux dénominations mystérieuses. Duduk, zurna, shvi, bhul ney, tar, kamancha, kanon et dohl : voilà la liste complète du nécessaire musical employé par les artistes arméniens. Tous ces patronymes ne parlent qu'à une poignée de spécialistes, mais leur présence aux côtés des traditionnels violons et hautbois de l'orchestre symphonique apporte une saveur particulière à la musique de Mychael Danna.

Le mélange des instruments induit un mélange des sonorités qui épouse parfaitement les courbes tarabiscotées de l'histoire arménienne. Ottomans, russes, turques : l'Arménie a longtemps servi de champ de bataille favori aux puissances de la région. Face à ces guerres à répétition, un grand nombre d'autochtones ont fui leur contrée en guerre pour gagner le Proche-Orient, l'Europe Occidentale, mais surtout les États-Unis. Très présente dans le film d'Atom Egoyan, la perspective transfrontalière de la diaspora arménienne ressort dans le bilinguisme des titres. Des mots ou expressions arméniennes comme Groonk (sublime premier morceau!), Yeraz ou Oor es mayr eem côtoient des assertions anglo-saxones (Something in your heart, Need to remembered, His land was lost...etc) plus compréhensibles pour nous autres occidentaux.

Ararat (c) D.R.

Sur tous les plans, la musique de Mychael Danna est donc une parfaite réussite. Non seulement elle est agréable à l'oreille, mais elle colle aussi de très près au propos du film. Du moins à son propos initial, car au fil des minutes Atom Égoyan perd quelque peu le sens de son récit. En présentant le seul personnage turc du film comme un salaud digne de ses ancêtres de 1915, en portant aux nues le père du jeune héros (un terroriste mort en tentant d'assassiner un diplomate turc dans les années 70), Atom Égoyan en fait trop, se transforme en donneur de leçons historiques ce qui décrédibilise sa réflexion initiale sur le devoir de mémoire. Complètement noyé dans son intrigue à tiroirs, Atom Égoyan n'est sauvé du désastre que par le talent de son compositeur et ami Mychael Danna. En mêlant mélodies arabisantes et chants grégoriens, celui-ci dresse un portrait fidèle du peuple arménien, de ses souffrances, de sa culture multiforme. Là où le réalisateur met en scène une vaine victimisation du peuple arménien, le compositeur met en sons une musique ouverte, offerte à la réconciliation. Même dans un film raté, il y a donc toujours un élément positif à souligner, quelque chose d'intéressant à relever. Le cinéma est décidément un art bien étrange.



Titre 
: Ararat
Compositeur : Mychael Danna
Editeur : Milan


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