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Le Cinéma X (c) D.R.

LIVRE

Le Cinéma X
Sous la direction de Jacques Zimmer
avec des textes de Stéphane Bourgoin, Henri Gigoux, Christophe Lemaire,
Gérard Lenne, Didier Roth-Bettoni,
Philippe Rouyer

Par Nadia MEFLAH


" Le porno, c’est comme l’eau de javel, c’est pas fait pour les enfants ! " 
John B.Root, Porno Blues ou la belle et édifiante histoire d’un réalisateur de films, La Musardine, 1999

Première encyclopédie illustrée du cinéma X, ce livre est un événement tant il tente de recenser avec images à l’appui (une iconographie qui n’a pas froid aux yeux….) l’histoire d’un sous-genre fécond, aujourd’hui convoqué et revendiqué par des cinéastes français dits " normaux " (de la si simple fellation de Maruschka Detmers pour son partenaire dans Le Diable au corps de Marco Bellocchio en 1986 à Breillat qui ouvrit la brèche en utilisant Rocco Siffredi pour Romance en 1998, à Bertrand Bonello et Le pornographe interprété par Jean-Pierre Leaud, à Virginie Despentes avec Baise moi qui signe un film d’une mélancolie noire émouvante, et dernièrement Jean-Claude Brisseau avec Choses Secrètes ; véritable chant incandescent au cinéma.)

  Le Cinéma X (c) D.R.

Comme toute encyclopédie, il permet une lecture vagabondante, au grè de notre secrète convoitise voyeuriste, tout en respectant le devoir du savoir. D’une origine située vers 1915 avec le premier film porno  A Free Ride de A. Wise Guy (une libre balade de 10 minutes) une production nord-américaine ; Jacques Zimmer propose une protohistoire du X, " le porno avant le X " à savoir un genre cinématographique avant qu’il soit labellisé X par la loi de 1975 (taxes, sanctions, prélèvements intensifs, interdiction d’affichage ni de publicité, ghettoïsations du genre par les grands groupes d’exploitation d’alors Gaumont, Pathé, UGC.) Ce qui peut paraître un tant soit peu déconcertant car naïvement, on pourrait penser que le X ne peut être un genre cinématographique, qu’il se situe hors de l’histoire, car enfin il ne s’agirait que de montrer toujours la même image : "… à peu de chose près, ce cinéma répète toujours et essentiellement la même séquence : L’entrée en gare de la Ciotat. Il ne s’agit plus des mêmes trains ni des mêmes gares. Encore moins de l’enfoncement sensoriellement suggestif des trains hitchcockiens dans des tunnels symboliques "(1)

Dès lors, on découvre qu’il fut dès l’origine du cinématographe une matière vive, notamment avec les surréalistes, rejoints plus tard par le mouvement underground. Où Bunuel, Man Ray comme Morissey et Anger ou Brakhage partageaient ce goût du scandale au nom de la transgression des tabous sociaux et moraux. Pour devenir une économie de marché relayée par le Net, grand pourvoyeur du hard. Le X de notre temps, banalisé ? Pas si sûr et ce serait peut-être son plus grand danger que de se diluer dans une norme (du visible, du discours) Depuis plus de 20 ans, le porno est devenu un objet télévisuel reléguant le cinéma dans ses marges (voir un porno sur grand écran relève de l’impossible ou presque) où le syndrome Loft Story et ses avatars ne sont que les réaproppriations des codes du porno (excitabilité du spectateur à tenir en haleine, mise en scène quasi abstraite du réel des reality show etc.) Là se situe l’enjeu fondamental du porno comme genre cinématographique où toujours la question du réel s’ébranle à chaque décennie. La misère (ou nudité, ou pauvreté, c’est selon) de ce genre en fait paradoxalement sa richesse quasi expérimentale. De ce ça à montrer, il n’a cessé de convoquer toute une fantasmagorie mais aussi une puissance formelle parfois sidérante ( Derrière la porte verte de Jim et Artie Mitchell 1972 le film fondateur, Rêve de cuir de Francis Leroi avec Zara Whites aux limites du fantastique et les essais de John B. Root, notamment Sextet, porno fondé sur une exacerbation voyeuriste décrivant les premiers pas dans le X d’une novice,  Exhibition 99 et surtout le projet Explicite où il met en scène durant 90 minutes, en direct et en multi-caméras, un coït ininterrompu en diffusion live sur la chaîne câblée Kiosque).