" Le porno, c’est
comme l’eau de javel, c’est pas fait pour les enfants !
"
John B.Root, Porno Blues ou la belle et édifiante
histoire d’un réalisateur de films, La Musardine,
1999
Première encyclopédie
illustrée du cinéma X, ce livre est un événement
tant il tente de recenser avec images à l’appui (une
iconographie qui n’a pas froid aux yeux….) l’histoire d’un
sous-genre fécond, aujourd’hui convoqué et revendiqué
par des cinéastes français dits " normaux "
(de la si simple fellation de Maruschka Detmers pour son partenaire
dans Le Diable au corps de Marco Bellocchio en 1986
à Breillat qui ouvrit la brèche en utilisant
Rocco Siffredi pour Romance en 1998, à Bertrand
Bonello et Le pornographe interprété
par Jean-Pierre Leaud, à Virginie Despentes avec Baise
moi qui signe un film d’une mélancolie noire émouvante,
et dernièrement Jean-Claude Brisseau avec Choses
Secrètes ; véritable chant incandescent
au cinéma.)
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Comme toute encyclopédie,
il permet une lecture vagabondante, au grè de notre
secrète convoitise voyeuriste, tout en respectant le
devoir du savoir. D’une origine située vers 1915 avec
le premier film porno A Free Ride de A. Wise
Guy (une libre balade de 10 minutes) une production
nord-américaine ; Jacques Zimmer propose une protohistoire
du X, " le porno avant le X " à
savoir un genre cinématographique avant qu’il soit
labellisé X par la loi de 1975 (taxes, sanctions,
prélèvements intensifs, interdiction d’affichage
ni de publicité, ghettoïsations du genre par les
grands groupes d’exploitation d’alors Gaumont, Pathé,
UGC.) Ce qui peut paraître un tant soit peu déconcertant
car naïvement, on pourrait penser que le X ne peut être
un genre cinématographique, qu’il se situe hors de
l’histoire, car enfin il ne s’agirait que de montrer toujours
la même image : "… à peu de
chose près, ce cinéma répète toujours
et essentiellement la même séquence : L’entrée
en gare de la Ciotat. Il ne s’agit plus des mêmes trains
ni des mêmes gares. Encore moins de l’enfoncement sensoriellement
suggestif des trains hitchcockiens dans des tunnels symboliques "(1)
Dès lors, on découvre qu’il fut dès
l’origine du cinématographe une matière vive,
notamment avec les surréalistes, rejoints plus tard
par le mouvement underground. Où Bunuel, Man Ray comme
Morissey et Anger ou Brakhage partageaient ce goût du
scandale au nom de la transgression des tabous sociaux et
moraux. Pour devenir une économie de marché
relayée par le Net, grand pourvoyeur du hard. Le X
de notre temps, banalisé ? Pas si sûr et
ce serait peut-être son plus grand danger que de se
diluer dans une norme (du visible, du discours) Depuis plus
de 20 ans, le porno est devenu un objet télévisuel
reléguant le cinéma dans ses marges (voir un
porno sur grand écran relève de l’impossible
ou presque) où le syndrome Loft Story
et ses avatars ne sont que les réaproppriations des
codes du porno (excitabilité du spectateur à
tenir en haleine, mise en scène quasi abstraite du
réel des reality show etc.) Là se situe l’enjeu
fondamental du porno comme genre cinématographique
où toujours la question du réel s’ébranle
à chaque décennie. La misère (ou nudité,
ou pauvreté, c’est selon) de ce genre en fait paradoxalement
sa richesse quasi expérimentale. De ce ça
à montrer, il n’a cessé de convoquer toute une
fantasmagorie mais aussi une puissance formelle parfois sidérante
( Derrière la porte verte de Jim et Artie Mitchell
1972 le film fondateur, Rêve de cuir de
Francis Leroi avec Zara Whites aux limites du fantastique
et les essais de John B. Root, notamment Sextet, porno
fondé sur une exacerbation voyeuriste décrivant
les premiers pas dans le X d’une novice, Exhibition
99 et surtout le projet Explicite où il
met en scène durant 90 minutes, en direct et en multi-caméras,
un coït ininterrompu en diffusion live sur la chaîne
câblée Kiosque).
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