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Why Not, sur le cinéma américain (c) D.R. LIVRE

Why not, sur le cinéma américain
Sous la direction de Jean-Pierre
Moussaron et Jean-Baptiste Thoret
Par Gilles LYON-CAEN


Annoncé depuis longtemps, attendu, le voilà enfin ce recueil sur le cinéma américain paru chez Rouge Profond, éditeur de la revue Simulacres depuis bientôt quatre ans. Ce livre, premier atout, ne prétend à aucune exhaustivité. Au contraire, et cela frappe d’entrée, on n’y trouve aucune ligne revendiquée, pas de ligne " éditoriale " à suivre, ni la moindre contrainte d’écriture semble-t-il pour le critique. Pour le lecteur, qu’il soit fidèle de Simulacres, de Positif, ou de presque rien, apparaît à la vue du sommaire un curieux mélange de rédacteurs, mixte d’universitaires et essayistes (de M. Cerisuelo à J-L. Leutrat) et de critiques (J-F. Rauger du Monde ou T. Jousse des Cahiers), voire même les deux (Nicole Brenez). On reconnaît là la marque de la maison : un mélange, un brassage qui étire le cinéma dans ses largeurs, sans aborder pour autant tous les cinémas (manque malgré tout, assez cruellement, le cinéma " expérimental "), mais qui n’hésite pas à convoquer Romero, Ferrara ou Spike Lee aussi facilement que Lang, Walsh, Lynch et autres cinéastes consacrés. Des études déjà ébauchées ailleurs (le fantôme chez Eastwood, ce qui est paru récemment, en plus complet, Eastwood, la boucle et le trait d’union, de Nicolas Chemin, Éd. Dreamland) côtoient de nouvelles approches, là l’étude d’Un tueur pour cible d’Antoine Fuqua, vu comme " étude du cinéma de John Woo ", ici l’image du mexicain à travers le cinéma hollywoodien...

  Le Prisonnier d'Alcatraz (c) D.R.

De " plans d’ensemble " en " gros plans ", Why not, très ouvert et riche, fournit un trésor, un article qui rend heureux : " Ornithologies, ou l’espace bleu " de Pierre Taminiaux. Cet article long et nécessaire qui se situe avant la fin du livre se concentre sur The Birdman of Alcatraz (Le Prisonnier d’Alcatraz) de John Frankenheimer. On rappelle l’histoire : un prisonnier condamné à perpétuité devient durant sa captivité un ornithologue réputé. Mais toujours, il se heurte à l’administration pénitentiaire. Dans ce qui se présente comme l’un des articles les plus étonnants et novateurs de ces dernières années, l’auteur envisage le film et l’art de l’analyse comme système de références philosophiques, théorème, l’allusion toujours argumentée filant doucement la métaphore du savoir général ; ce qui relève enfin du comble pour un film jamais étudié. Vers la fin de l’article, Pierre Taminiaux conçoit le pénitencier comme " le lieu d’une inaction fondamentale, et le cinéma américain d’action classique ne peut donc qu’échouer à traduire sa réalité philosophique et matérielle. " Pour arriver à ce qui ressemble à une (fausse) aporie, l’analyste aura pris tous les risques de la citation en convoquant cinéastes (Bresson, Dreyer), écrivains (Flaubert, Rousseau) aussi bien que philosophes (Deleuze, Sartre et Foucault). En treize pages, un horizon existentialiste, notamment, s’est pourtant ouvert, grâce à ces derniers essentiellement. Postulat : le prisonnier serait " l’homme commun et sans qualités devenu exception par la seule force de sa propre raison, de son obstination et de son travail. " Une riche métaphore de l’humanité se dessine en creux à travers la réflexion, pourtant rebattue, sur l’univers carcéral. D’autres cases (Kafka, Paul Klee, ici l’homme oiseau cher à Baudelaire, là " qu’est-ce qu’être libre ? "), d’autres niveaux de compréhension ouvrent l’œuvre sans l’emprisonner, vers un idéal, un au-delà de l’analyse, espace imaginaire " qui suscite sans cesse de nouvelles images inconnues et troublantes ".

Le Prisonnier d'Alcatraz (c) D.R.

Il faut lire cet article, dans Why not, ne serait-ce pour la simple raison qu’il est donné à voir de cet espace. Cultiver, donner à réfléchir et à ressentir posent ici les pensées maîtresses qui incarnent la prose de l’auteur. Au service de l’Analyse de film, film ici qui touche aux autres arts et les traverse : œuvre moins vouée au culte finalement qu’entrevue, comme la couleur du ciel, " coupée par les murs de la cellule " du prisonnier. Ce n’est pas le seul mérite de cet article que de commencer en vue panoramique, d’accroître à la loupe des vues diverses, puis d’étendre longuement le plaisir de la lecture (" L’espace du bleu correspond bien, en ce sens, à une double utopie existentielle et politique "). Avant de percer le lecteur et de s’achever à la première personne, prouesse ultime de l’auteur se dévoilant et exposant une couleur personnelle du bleu : espace où se déploie un rêve de vie cinéphile, " bleu irréel dans sa perfection et donc imaginaire ; bleu pourtant tangible et si proche. "




Titre : Why not, sur le cinéma américain
Sous la direction de : Jean-Pierre Moussaron et Jean-Baptiste Thoret
Editeur : Rouge Profond
Nombre de pages : 329 pages
Prix : 35 euros

TABLE DES MATIERES

La comédie musicale par Jean-François Mattéi et Marc Cerisuelo
L'idiotie pure du réel par Jean-François Rauger
L'ange et la pourriture, Le doute du cinéma américain par F. Ramone
Énergie, action, violence, Aldrich, Slegel et Peckinpah par JB Thoret
Mobilhome ou la version originale est en anglais par Michel Deguy
Les burlesques par Jean-Marie Tixler
F. Lang et le western, la roulette américaine par S. Liandrat-Guigues
Clint Eastwood, la revenance par Hélène Boisset
De Cukor à Ferrara, le traitement de la moralité sublime par Brenez
Cut-up et cinéma, Williams S. Burroughs et David Lynch par V. Deville
L'exception, Looking for Richard de Al Pacino par Patrick Lacoste
Abel Ferrara et le mal par Xavier Daverat
Le cinéma changé en sa perte, La Projection du monde de Cavell par Cerisuelo
Cinéma chicanos et mexicains d'Hollywood par E. Benjamin-Labarthe
Rage à Brooklyn, quelques films de S. Lee par A.-M. Paquet-Deyris
À propos du remake le modèle Disney par Robert Harvey
Prendre une petite peur, The Old Dark House de Whale par Leutrat
Éloge du champion, Gentleman Jim de Walsh par Emmanuel Burdeau
Un art du "deffet", The Seventh Victim de Robson par Pierre Alferi
Le film à procès Witness for the Prosecution de Wilder par D. Rabaté
Ornithologies, The Birdman of Alcatraz de John Frankenheimer par Pierre Taminiaux
Nous n irons plus au bois, Miller's Crossing des frères Coen par Alain Lestié
L'image d'opéra, M. Butterfly de David Cronenberg par B. Vouilloux
Mitraille formelle en milieu hollywoodien, The Replacement Killer's par Brenez et Clerget
Le crime parfait, Eyes Wide Shut de Kubrick par Thierry Jousse
D'un thriller allégorique Shock Corridor de Samuel Fuller par Moussaron

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