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Le Dictateur (c) D.R.

DVD

Le Dictateur
de Charlie Chaplin


Par Nadia MEFLAH


SYNOPSIS : Dans le ghetto juif vit un petit barbier qui ressemble énormément à Adenoid Hynkel, Le Dictateur de Tomania qui a décidé l'extermination du peuple juif. Au cours d'une rafle, le barbier est arrêté en compagnie de Schultz, un farouche adversaire d'Hynkel...

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  Le Dictateur (c) D.R.

Le Dictateur est le premier titre d'une édition de prestige de MK2 (Marin Karmitz) disponible depuis le 6 novembre. Il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie ce film sur grand écran, ne serait-ce que pour éprouver toute la politique du corps vocal du comédien Chaplin. Le DVD trouvera dès lors sa place chez soi, lorsque le film ne sera plus à l'affiche dans les salles. Et c'est dans le bonus, cet appel d'offre cinéphile (le bonheur) mais le plus souvent «ciné marketing» (l'arnaque) que se trouve un véritable trésors de l'Histoire du Cinéma et un documentaire critique de l'historien du cinéma Kevin Brownlow.

Présenté lors du festival de Cannes 2002 (il fit la clôture du festival international du film de Berlin), le trésor est un film muet en couleurs, trouvé dans le grenier familial de Vevey en 1999. Durant le tournage du Dictateur, Sydney le demi-frère aîné de Charles Chaplin filme son cadet, l'équipe technique, les comédiens et notamment les femmes. Visiblement attiré par ces figurantes aux robes chatoyantes (il s'agit de la scène du bal où Hynkel danse avec l'épouse gironde de Napalonie, dictateur de la Bactérie), il faut savoir imaginer la musique impulsant la valse de ces dizaines de couples dansant tout comme les paroles de Sydney qui font rire de plaisir les jeunes femmes, le regard caméra. Ce qui surprend le spectateur de l'ère numérique est la chromatique de ces scènes d'amateur. Les couleurs semblent nimber de lumière irradiante d'un autre monde, celui de Vincente Minelli, comme échappées d'un tableau d'Ingres où les tissus féminins chatoient l'écran.

On songe avec une mélancolie rétrospective à ce qu'aurait été un film de Chaplin avec ces couleurs si délicatement fanées…

Il y a un moment saisissant du film «amateur» de ce frère, véritable alter-ego du cinéaste Chaplin (la lecture indispensable de l'ouvrage de David Robinson, Chaplin, sa vie, son oeuvre, montre les liens étroits qui unissaient ces deux hommes, où ce demi-frère aîné jouait à la fois le rôle d'homme d'affaire et de partenaire financier intraitable au sein de l'industrie naissante du cinéma hollywoodien.) Perché sur un toit du studio servant de décors au ghetto juif, la caméra de Sydney, tout d'abord cadré sur la scène tournée (le moment où la milice va pour pendre le barbier juste avant d'être délivré par le commandant Schultz) se balade légère au dessus de la cime des arbres feuillus. Au loin, la vie passe, les voitures roulent et d’aucun de ces conducteurs ne pouvaient imaginer ce qui se tramait non loin d’eux,. Ce surgissement d’un réel banal troue littéralement notre regard habitué à être halluciné par ce corps si singulier (Chaplin/charlot) qui sans cesse reformula un monde cloisonné jusqu’à l’abstraction (tous ces films parlants) Ce hors cadre (l’absolu tabou du cinéma dit d fiction) fugitif presque anodin me bouleverse dans tout ce qu’il dit de l’éphémère étrangeté du travail du cinématographe et du cinéaste, à la fois dans le monde et coupé nécessairement. Où Chaplin pour la première fois m’apparaît si petit, lui qui toute sa vie ne cessa d’obséder tout le plan. D’être le plan.