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Le Genou de Claire (c) D.R. DVD

Le Genou de Claire
L’Amour l’après-midi
d’Eric Rohmer
Par Matthieu CHEREAU


SYNOPSIS - Le genou de claire : Jérôme, 35 ans, en villégiature prés d’Annecy, rencontre par hasard Aurora, romancière roumaine dont il avait fait la connaissance six ans plus tôt. Elle l’invite chez elle et lui présente sa propriétaire, Madame W., qui vit en compagnie de ses filles Laura et Claire. Sur le point de se marier, Jérôme est mis au défi par Aurora d’exercer sur les deux jeunes filles son pouvoir de séduction.

SYNOPSIS - L’amour l’après-midi : Associé dans un cabinet d’affaires, Frédéric est un mari amoureux et fidèle et père d’un enfant. Il médite néanmoins sur son rapport aux femmes, à la sienne et à celles qu’il croise dans sa vie quotidienne. Un jour la maîtresse d’un de ses amis de jeunesse reprend contact avec lui. C’est Chloé, une femme impulsive et imprévisible. Il lui apporte d’abord une aide matérielle et morale mais ressent bientôt pour elle des sentiments qui dépassent ceux de la simple amitié.

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  L'Amour l'après-midi (c) D.R.

Très sobrement édités, ces deux DVD nous replongent dans l’atmosphère délicate et délicieuse des contes moraux.

Le genou de Claire est un carnet de vacances soigneusement tenu au jour le jour dans lequel un homme d’expérience aurait consigné ses aventures (aussi modestes soient-elles) et ses états d’âme. Le carnet est propre, stylé, plein de ce que l’été offre en abondance : le désir sans lendemain, les raffinements de la séduction, les stratégies amoureuses, les instants immémoriaux. Dans ce carnet, les personnages sont beaux, leurs manières sont impeccables, tout comme la logique et l’harmonie qui président à leurs conversations. Rien ne dissone dans cet espace, le quotidien, constamment, est réinventé, et la vie se déroule, légère, ponctuée d’amourettes, de jeux innocents et sacrés.

Car le sacré ici ne naît pas d’une cuisse, mais d’un genou. Et ce genou ne nous apparaît qu’à la fin du film, comme si, recourant à une vieille méthode issue de la littérature, et reprise dans le cinéma moderne (notamment par Rossellini) Rohmer prenait un malin plaisir à laisser couler la première heure, maigre en fantasmes et surtout en conquêtes, pour contrarier l’instant d’après le récit en introduisant Claire, icône insaisissable qui rompt le jeu quotidien, et bouleverse les personnages tout autant que le spectateur. Ce genou est à Brialy (le protagoniste dans le film) ce que le Stromboli est à Ingrid Bergman, seulement la révélation ici n’est pas chrétienne, mais profane. Caresser ce genou, c’est effleurer un secret, celui de l’innocence et dans le même temps du pêché (le profane et le religieux à la réflexion se confondent peut-être), c’est susciter le désir tout en calmant un sanglot. J’ignore si j’ai raison de comparer ces deux types de révélations. Elles n’ont sans aucun doute pas la même portée. Le processus est néanmoins le même, car dans les deux cas, les personnages ont l’intelligence soudaine (ce qu’en psychanalyse, on appelle l’insight) que cette chose qu’ils touchent ou aperçoivent est autre chose qu’elle-même, qu’elle constitue à elle seule non pas un symbole, un signe, mais une raison qui les dépasse, qui ordonne le monde et en constitue la part secrète. Le genou est le sujet même du film, est en même temps, il lui échappe. La caresse du genou est à la fois un événement encré de pleins pieds dans la diégèse et un instant de contemplation suspendu au-dessus des autres images montées - il est un surgissement qui refuse de s’inscrire dans la continuité narrée car sa nature n’est pas d’expliquer mais de révéler. Le genou n’est pas un film, c’est une apparition.