La revue Cinéma, créée en 2001, persiste
et signe et même s’améliore en nous offrant dorénavant un
DVD avec chaque numéro. C’est avec le film de Kenji Mizoguchi,
La marche de Tokyo, que la revue inaugure cette nouvelle
formule. Ce film de 30 minutes longtemps considéré comme perdu
est une rareté, puisqu’il n’en existe que peu de copies et
que le film a été tronqué et remonté par le distributeur japonais.
Comme nous l’explique Emmanuel Burdeau dans son article « Mizo
des familles », la Cinémathèque possédant une copie de
20 minutes du film a tenté un remontage avec une copie nippone
qui soit plus en accord avec l’esprit du film. Aujourd’hui,
le film dure 30 minutes, alors qu’il durait vraisemblablement
80 ou 102 minutes en 1929, l’année de sa sortie, et c’est
ce film que l’on peut découvrir désormais chez soi. Amputée,
La marche de Tokyo l’est sans aucun doute, les séquences
s’enchaînent parfois brutalement, quelques plans sont incompréhensibles,
la fin semble tronquée, mais la magie opère face à cette histoire
d’amour tragique dans laquelle une jeune Geisha tombe amoureuse
de son frère.
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Afin de replacer La marche de Tokyo
au sein de l’ensemble de la filmographie de Mizoguchi, Tad
Gallagher propose, en complément du texte de Burdeau, un texte
analysant la mise en scène chez le réalisateur, et plus particulièrement
le montage, d’une manière presque mathématique grâce à des
photogrammes et à des schémas. Il nous prouve par A+B que
le montage chez Mizoguchi est aux antipodes du montage classique
occidental, libérant le film de toutes contraintes et le spectateur
des schémas attendus.
Le texte est écrit à la première personne, ce qui semble être
l’une des principales caractéristiques de la revue Cinéma.
Chaque film ou réalisateur abordé l’est avec une grande liberté
de ton, presque inattendue de la part d’analystes reconnus
comme Jacques Aumont ou Michèle Lagny. C’est sans doute le
privilège de la reconnaissance. Une vraie liberté, presque
introuvable dans les autres revues de cinéma (mis à part sur
Internet peut-être), flotte au-dessus de la revue, une connivence
entre l’éditeur Leo Scheer et les rédacteurs semble évidente,
et la revue apparaît comme un pur produit de plaisir. Aucune
contrainte ne semble habiter Cinéma, tant au niveau du ton
que des thèmes : Jon Jost et Jacques Aumont parlent avec
passion de Leighton Pierce et ses film expérimentaux, Fabrice
Revault D’Allonnes tient à réhabiliter Harry langdon. Didier
Semin, quant à lui, nous offre sa vision personnelle de Vertigo,
faisant appel à d’autres films comme Body Snatchers de
Don Siegel, et convoquant surtout ce qui se passe entre les
plans, interrogeant notre mémoire cinématographique :
pourquoi sommes-nous habités par des images fantômes qui ne
sont jamais apparues à l’écran mais qui nous paraissent plus
que réelles (la revue Cinergon, autre support d’une grande
liberté, avait déjà posé ce genre de question concernant le
film Sombre de Philippe Grandrieux).
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