En 2001 sort au cinéma Lan Yu,
film chinois de Stanley Kwan, déjà auteur de Rouge.
Il raconte l’histoire d’un jeune homme, étudiant et fauché,
qui se prend à son propre jeu. Lan Yu est présenté à un riche
entrepreneur, recherchant la chaleur d’un corps, la légèreté
d’une relation sans suite. Cette histoire, bien sûr, n’est
pas si simple.
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Lan Yu a pour thème l’homosexualité
masculine, mais pas seulement. Il sonde surtout les sentiments,
l’amour, la fusion qui unit deux êtres inexplicablement, qui
persiste à la séparation, aux années d’éloignement, sans vouloir
se reconnaître. On pense beaucoup à Wong Kar Wai et à ses
amoureux de Happy Together, qui refusent d’accepter
les sentiments purs, préférant les salir, se salir, au risque
de ne pas pouvoir revenir en arrière. Tout cela, bien sûr,
se termine mal. L’amour, s’il n’est pas un sentiment futile,
voudrait être vécu comme tel. Les hommes de Stanley Kwan et
de Wong Kar Wai se plaisent à refuser l’évidence : la
passion peut être doublée d’amour, dans l’hétérosexualité
comme dans l’homosexualité. Peut-être aussi et surtout dans
l’homosexualité. L’amour entre hommes est-il refusé par les
personnes mêmes qui le ressentent ? Les clichés sur l’homosexualité
sont-ils plus forts encore dans la communauté homosexuelle
qu’hétérosexuelle ? Le riche entrepreneur, s’il ne boude
pas son plaisir en faisant l’amour à de jeunes hommes, refuse
de s’y attacher, allant jusqu’à faire bonne figure avec la
femme idéale, bien que ses frasques soient bien connues.
Afin d’illustrer ces vertiges, ces caprices du cœur et des
corps, Stanley Kwan use, contrairement à Wong Kar Wai et à
ses images sales, d’une esthétique faite d’ombres et de lumière,
de couleurs s’opposant au noir vampirisant les figures, tentant
de les avaler, parfois y arrivant. Les personnages cachent
leurs peines dans la pénombre alors qu’ils exhibent leur corps
dans la lumière crue d’une sale de bain. Le film de Stanley
Kwan est d’une grande pudeur, ne montrant jamais l’acte d’amour,
toujours le laissant deviner, souvent l’éludant. Après tout,
ce n’est pas l’acte d’amour qui en est le sujet, mais le sentiment
d’amour, beaucoup moins évident à filmer, à transmettre.
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