CONTRADICTIONS
Daniel Karlin aime le sexe. En tout cas il aime en parler, le
montrer, l'analyser, le décortiquer...et, il faut lui en rendre
hommage, sans tabous ni consensualisme.
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Seulement voilà, tout serait trop simple
si le constat s'arrêtait là. Car ce qui a poussé Daniel Karlin
à écrire cet ouvrage, suite à la sortie en salle de Et si
on parlait d'amour, c'est bien entendu les critiques (parfois
virulentes) qui lui ont été adressés, et qu'il a, en partie,
cherché à provoquer, mais surtout son rapport extrêmement tendu
et complexe avec les sujets qu'il aime aborder. Du scabreux,
il y en a chez Karlin : de ses recherches sur le monde
du porno au comportement sexuel des handicapés, en passant par
l'analyse au scalpel de la relation entre un pédophile et sa
victime, le cinéaste s’attaque souvent à des thèmes tellement
“ politiquement incorrects ” que même les plus provocateurs
des réalisateurs de fiction n’osent les aborder.
Pourtant, celui qui prône la tolérance à l’égard des pratiques
sexuelles de tous bords, ce qui pourrait résumer la philosophie
globale de sa filmographie entière, n'est pas exempté du phénomène
qu’il évoque lui-même, à savoir que dès qu’il s’agit de sexe,
nul ne peut parler de manière objective, le subconscient et
ses tabous prenant toujours le dessus.
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Ainsi le livre On a parlé d’amour,
censé analyser les réactions produites par le film est surtout
une succession de justifications maladroites visant à nier toute
tentation voyeuriste ou perverse chez son auteur. Mais peut-on
filmer comme il le fait le trash et le salace, car, arrêtons
de tourner autour du pot, c’est bien de ça dont il s’agit, sans
avoir un goût prononcé pour l’exhibitionnisme. Bien sûr que
les intentions sont louables, nul ne le remet en cause. Il montre
avec Et si on parlait d’amour des choses que la majorité
silencieuse n’a pas envie de voir étalée, car elle la renvoie
à ses propres pratiques et au rapport délicat de tout à chacun
avec sa sexualité. Il dénonce les hypocrisies de la société
qui étale sans vergogne en prime time un érotisme machiste composée
de femmes jeunes, dénudées, blanches et siliconées mais rejette
ce qui en ressort.
Le film a le mérite de donner la parole aux anonymes, de les
“ normaliser ” sans les banaliser, de jeter un pavé
dans la marre du silence honteux. Malheureusement, Karlin n’est
pas Larry Clark, et plutôt que d’assumer le plaisir de provoquer
et de choquer, il se réfugie derrière un puritanisme déplacé,
avec l’excuse facile de la prétendue objectivité du documentariste.
En agissant ainsi, il ajoute de l’eau au moulin de ce qu’il
dénonce, perdant définitivement la cohérence de son discours
dans d’innombrables contradictions. Pour résumer : le film
est essentiel, le livre plus que dispensable…
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Titre : On a parlé d’amour
Éditeur : Le Cherche-midi
Editeur
Collection : Documents
Format : Broché - 293
pages
Dimensions (en cm) :
16 x 3 x 24
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