Complément de synthèse aux brèves
leçons de cinéma de Claude Chabrol, parues pratiquement au
même moment, le livre de Wilfrid Alexandre confirme cette
« bonhomie », cette insouciance qui camoufle l'œuvre
de Claude Chabrol, celle qui lui fait dire qu'il tourne un
bon film sur trois. Survol rapide de la vie et de la filmographie
du plus populaire cinéaste issu de la Nouvelle Vague, Alexandre
bénéficie de la complicité de Chabrol, dont on devine l'emprise
sur l'orientation du texte. A la fois révélateur, les informations
sur son enfance, son travail d'attaché de presse, et privé,
passant très vite sur les amitiés, les séparations, ce portrait
de Chabrol cache plus qu'il ne livre, confirme plus qu'il
ne suggère. Il est de mise d'admettre la place qu'occupe
Chabrol dans le cinéma français contemporain, la grande affection
que la presse et le public lui porte. Il en existe pourtant
un autre, hors de la France, le Chabrol international, considéré
comme le plus hollywoodien, le plus Hitchcockien des cinéastes
français, dont sa trilogie « Que la Bête Meure /
Le Boucher / La Femme Infidèle » est admirée,
analysée dans de nombreuses universités anglophones.
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Wilfrid Alexandre rappelle les thèmes
majeurs, à commencer par les incontournables critiques de
la bourgeoisie de province, dont il fut, tout comme Luis Bunuel,
l'un des grands maîtres. Cinéaste prolifique, la diversité
et la richesse du cinéma de Chabrol abonde de pistes thématiques
: pourquoi et comment fut-il celui qui se détacha de ce cinéma
d'art associé à la Nouvelle vague; comment devient-on un grand
directeur de comédiennes après une collaboration savoureuse
avec Paul Gegauff ? Comment analyser, situer les années Audran,
trop absentes de ce livre, et les années Huppert ? Ni l'auteur
ni Chabrol ne répondent à ces questions. Il manque ici l’idée
du cinéma qui traverse ces films. Ce livre a le mérite de
résumer et retracer le parcours d'une œuvre qui semble toujours
avoir été là, Claude Chabrol incarne le formalisme efficace
et rigide (revoir les premières minutes de Que la Bête
Meure pour s'en convaincre, y voir Maurice Pialat, prodigieux
dans le rôle d'un commissaire) et la culture « pulp fiction »
de ses films Lavardin (et la verve irrésistible de Jean Poiret).
Il invite aussi à revoir, à retrouver les divers navets dans
lesquels tournaient Maurice Ronet, Anthony Perkins, Orson
Welles, et comment oublier Le Sang des Autres ou Quiet
Days in Clichy...
Enfin, il nous rappelle que Chabrol mérite une grande biographie,
et que celle-ci peut attendre.
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Titre :
Claude Chabrol, la traversée des apparences
Auteur :
Wilfrid Alexandre
Editeur :
Editions du Félin
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