Après avoir écrit quelques-uns des
ouvrages de référence en matière de son au cinéma, le chercheur
et musicien Michel Chion nous offre un livre somme, et pourtant
encore ouvert, de sa réflexion sur cet aspect du cinéma trop
souvent laissé de côté dans la recherche. Car on a vite oublié
que le cinéma était à ses débuts un art « sourd »
(pour reprendre l’expression de l’auteur) bien que bavard,
et que par son, on entend aussi bien les sons « in »
que « off », et la musique, de nos jours souvent
utilisée comme un instrument de colmatage des espaces sonores
vides. Michel Chion tente avec succès de réhabiliter le son
au cinéma. Mais si le titre de son ouvrage est Un art sonore,
le cinéma, et non « Le cinéma, un art sonore »,
c’est qu’il place le cinéma au sein de tous les arts, mais
aussi qu’il rend au son sa place : il mérite la gloire,
au même titre que l’image.
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Sous-titré histoire, esthétique, poétique,
l’ouvrage se compose en effet comme tel, débutant par le cinéma
muet et toutes ses formes sonores, du bonimenteur à la musique
en direct, du simple fond à la musique spécialement écrite
pour le film. Cet aspect est étudié avec une belle rigueur
historique plus qu’esthétique, les différents dispositifs
sonores de l’époque étant quasiment oubliés de nos jours,
bien que les projections de cinéma muet en concert fleurissent
allégrement en ce début de millénaire.
La première partie de l’ouvrage suit chronologiquement l’évolution
sonore du cinéma, de 1895 à 2003, car ce n’est pas parce que
le son est entré dans les mœurs qu’il faut nécessairement
en faire fi. Les chapitres qui découpent les cent et quelque
années de cinéma en période clés sont intercalés par des chapitres
indépendants qui se proposent d’étudier plus avant, esthétiquement
et poétiquement (comme cela l’était annoncé par le sous-titre)
un film ou un auteur en particulier : Chaplin, Vigo,
Hitchcock. Chion s’intéresse particulièrement aux dispositifs,
jusqu’à s’interroger sur l’avenir du son avec la révolution
numérique.
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La seconde partie s’attache quant
à elle à l’aspect esthétique et poétique du son, s’interrogeant
sur la notion de langage par le son, sur l’utilisation à des
fins réalistes ou fantastiques, sur la parole proférée et/ou
entendue, et sur les effets visuels de cette parole, qu’elle
soit in ou off, à la fois vue et entendue, ou seulement vue,
comment celle-ci peut être la clé comme la faiblesse d’une
image, ainsi qu’elle peut l’être dans le Docteur Mabuse
de Fritz Lang.
Ce fameux docteur Mabuse, Michel Chion ne cesse d’y réfléchir
et d’y revenir, espèce de film théorique sur le son et la
parole. C’est en étudiant ce film qu’il invente quelques notions
clés, toujours intrigantes et amusantes, faisant maintenant
partie du jargon de l’analyste de cinéma. On retrouve tout
au long de cet ouvrage le langage qui fait la spécificité
de son auteur, à la fois léger et précis. Afin de ne pas perdre
le lecteur dans la multitude de notions évoquées, Michel Chion
a eu la sympathique idée de clore son ouvrage sur un glossaire
dans lequel on peut retrouver le fameux son acousmatique,
l’audiovision, ou encore la synchrèse.
Dans son avant-propos, Michel Chion nous raconte l’histoire
de son ouvrage, nous livrant ses intentions, mais aussi ses
projets futurs qui n’abandonneront heureusement pas le son.
C’est avec impatience que nous les attendons.
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Titre : Un art sonore, le cinéma
Auteur : Michel
Chion
Editeur : cahiers
du cinéma
Collection : Cinéma
essais
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