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Speed (c) D.R. LE SEPTIEME CIEL
DU SEPTIEME ART

Par Cyrille GUERIN


Le cinéma, quels que soient les sujets abordés et les formes utilisées, peut, via deux films apparemment antagonistes (Speed et Ressources humaines), transcender le quotidien, et donc rentrer dans son rôle premier : celui de détourner la vie. histoire d’essayer de mettre un point final à la polémique Critiques contre cinéastes et Cinéma français contre Planet Hollywood.


  Ressources humaines (c) D.R.

Il est vain et grotesque de vouloir mordicus scinder le cinéma en deux gargantuesques catégories. L’automne dernier, Leconte a bien failli être bon. Le polémiste malgré lui, victime d’un bug de fax, en a eu pour ses frais. Sa diatribe, ou plutôt son désarroi face à une supposée haine des critiques envers la production locale, a justement prêté le flan aux critiques. Et braqué les projecteurs sur un manichéisme rampant et vomitif bien de chez nous. Il y aurait donc les "gentils films" français (même si réalisés aux States) et les méchants films - évidemment américains, subodore-t-on dans notre barbe. Cette analyse binaire est tellement puante qu’elle en refoule du bec. Il est donc grand temps de lui faire mâcher un (Hollywood) chewing gum de bon aloi. Et de désinfecter ces idées puériles et putrides par trop en odeur de sainteté.

Le septième art, comme son nom l’indique de manière intrinsèque, est... un art. Il ne va donc pas s’embarrasser, parce que des réalisateurs médiocres, aigri ou pissant le pognon crient à leur propre trépas, de questions métaphysiques comme "De la binarité de ma fonction". On ne trouvera pas les ingrédients d’un bon film dans les fiches cuisine de Elle. Mais dans ses attributs scénaristiques et émotionnels. Dans ses aptitudes à transcender le quotidien. C’est de cette ossature quasi-divine que pousse l’anatomie du cinéma-septième art.

The Rock (c) D.R.
À cet égard, et à bien des antipodes du débat stérile Exception culturelle versus Ricains, il est deux objets filmiques qui subliment et cette schizophrénie désopilante et notre quotidien. Deux frères ennemis, si l’on en croit quelques chirurgiens cinématographiques adeptes du bistouri et autres instruments de torture employés pour retirer toute preuve éventuelle de gémellité. Speed de Jan de Bont et Ressources humaines de Laurent Cantet sont deux skuds qui viennent anéantir cette foutue gueguerre de gosses rivés devant leur calculette Play School. Ces deux frangins ennemis-là (en apparence) prouvent que le cinéma, quand il se met à bander sec, défonce toutes les frontières idéologiques.

Speed, poids lourd du box office de l’été 94, est un édifice phallique du film d’action. Il en explose les codes, et enterre ses prédécesseurs. On a difficilement fait mieux depuis excepté peut-être The Rock de Mickael Bay. Quant à Ressources humaines, chef d’œuvre d’engagement politique aguerri, il vidange bien des moteurs syndicalistes censés, dans la vraie vie, embellir le sort des ouvriers. Frères jumeaux, Speed et Ressources humaines arborent les mêmes bleus de travail, ceux qui, portés avec élégance et éclat, subliment la réalité, celle-là même qui ne cesse de pactiser avec la satanique fatalité. La vie de beaucoup (trop) de nos congénères, quoi!. Par le truchement cinglant de son hyperbolisme, Speed dévale tout schuss sur les pistes de l’invraisemblable et de l’irrationnel. Aucun bus, même chargé de kérosène, ne pourrait effectuer le centième de que l’engin du film réalise en deux heures. Aucun. Idem, il semble difficile d’imaginer dans le monde du travail en entreprise le retournement de situation opéré par le jeune héros-apprenti DRH du dernier Cantet. Qui, aujourd’hui, serait assez membré pour se retourner contre son propre employeur qui, à défaut de carburer au kérosène, marche au sans sentiments. Qui?

A leur manière bien particulière, Speed et Ressources humaines raillent, tels des Monsieur Jourdain - donc sans le savoir, le manichéïsme qui s’est emparé des économistes de la chose cinématographique. Le septième art remplit là sa fonction d’agent matrimonial et fourre dans le même pieux conjugual deux (chefs d’) œuvres qui font la nique à un clivage qui raye trop le parquet. Et démontre que, Américains, Français ou Asiatiques, il n’y a que de bons ou de mauvais films.



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