Ce qu’il y a de plus humain.
Certains croient que
la durée des œuvres tient à leur "humanité".
Ils s’efforcent d’être vrais.
Mais quelle plus longue durée que celle des œuvres
fantastiques ?...
Le faux et le merveilleux sont plus humains que l’homme vrai.
Paul Valery
Il(s) manque(nt). Evidemment,
il manque quelque chose. Il manque aussi quelqu’un pour faire
vivre le cinéma. Il nous manque du blanc au fond des
yeux. Du noir autour des yeux. Alors, du noir et du blanc,
du cinéma tout entier. Simplement…
|
Il manque un Fritz Lang
pour nous rappeler que le Pouvoir ne cesse de se rapprocher
impunément de la honte, un Eric Von Stroheim
pour dégrafer des murs les discours des conformistes,
et enfin un Jean Vigo pour transformer, avec des gestes
pleinement humains, véritablement touchants, les visages
en une poésie immense de révolte. Il manque
un Fritz Von Vigo. Un artiste capable de saisir l’impureté
de la violence quotidienne et toute la contradiction que contient
un acte humain. Qu’est ce qu’on nous donne aujourd’hui ? Qu’est-ce
qu’on nous fait aimer ? Aujourd’hui, j’ai vu tant de
films qui s’abstiennent de tragédie, et qui, en se
voulant " autre ", se veulent
précis.
|
 |
|
|
D’ailleurs, ce qui
est tristement écœurant avec la plupart des
gens qui font du cinéma aujourd’hui, c’est qu’ils cherchent
tous à être précis. Il faut voir, par
exemple, la lamentable épopée que poursuit Tavernier
depuis plusieurs années, Tavernier qui fabrique de
la démagogie sur mesure. A sa mesure. Bien pensant,
pensant pour le Bien, d’une hypocrisie affolante, ce cinéma
est plein d’élucubrations plaintives qui polluent les
artisans du rêve. On revient, sans hésitation
aucune, à ce célèbre "réalisme
psychologique" que dénonçait François
Truffaut dans les années 50. Tavernier (il n’est pas
le seul) a remplacé Cayatte dans les films à
thèse. Cannes essaie de se refaire une santé
après plusieurs échecs consécutifs. Les
jeunes acteurs se ressemblent tous, tous rassemblés
dans le même panier de crabes. Et en plus, la presse
n’ose rien. Elle regarde. Elle attend. Elle fusille puis elle
se rétracte. Parler aujourd’hui du cinéma est
devenu difficile quand on veut lier à l’art d’exprimer
toute l’étendue de son imagination. De nombreuses revues
indépendantes parvenaient dans les années 60
à faire rougir les monstres sacrés de la presse.
A rester autonome coûte que coûte. Il faut poursuivre.
Mais qu’est devenu le cinéma ? Que deviendront plus
tard des films comme Festen, auxquels on se raccroche
même si il n’ont pas toutes les qualités d’un
Fritz Von Vigo. Retrouverons-nous des films non-linéaires,
cruels comme le quotidien, déboussolants, frénétiques,
et subversifs comme l’amour ? Je veux continuer de croire
que le cinéma n’est pas mort, puisqu’il n’est pas "une
Vie", mais un esprit, en perpétuelle (re)conquête
: un objet insaisissable. Pourtant, il(s) manque(nt).
Quelque chose ou quelqu’un ? Un Fritz Von Vigo.
 |
|
|